Différences de carrés

Quels nombres entiers c>0 peuvent s’exprimer comme une différence de carrés ? De combien de manières différentes ?  Comment trouver de telles différences, concrètement ?

Le nombre c est un multiple de 4

On considère l’expression c=a2b2=(a+b)(ab)Si a et b sont tous les deux pairs, alors a+b et ab sont pairs aussi. Et si a et b sont tous les deux impairs, a+b et ab sont quand même pairs car la somme ou la différence de nombres impairs est paire. En d’autres mots, si a et b sont de même parité, a+b et ab sont pairs.

On pose a+b=2xetab=2yOn obtient c=(2x)(2y)=4xyet on déduit que c est non seulement un nombre pair, c’est un multiple de 4. Cela nous permet aussi de trouver la ou les valeurs de a et b pour un certain c. a+b=2xab=2yEn additionnant les équations on obtient 2a=2x+2ya=x+y et en soustrayant les équations on obtient 2b=2x2yb=xyAinsi, si on désire exprimer un multiple de 4 comme une différence de carrés, on doit d’abord factoriser le nombre comme un produit de deux nombres pairs 2x et 2y afin de trouver les valeurs de x et de y, puis celles de a et b. Il y a autant de différences différentes que de produits de facteurs pairs différents. Un exemple numérique s’impose.

Le nombre  312 s’exprime-t-il comme une différence de carrés ? De combien de manières différentes ? On note que 312=156×2=78×4=52×6=26×12(Notez que des produits tels que 321=39×8 ou 312=24×13 n’apparaissent pas dans la liste car dans ces produits un des deux facteurs est impair.) Le produit 312=156×2=2(78)×2(1)nous donne les valeurs de x=78 et y=1, puis de a=78+1=79 et b=781=77 et la différence 312=792772Le deuxième produit 312=78×4=2(39)2(2)génère les valeurs x=39 et y=2 et donc a=39+2=41 et b=392=37 menant à la différence 312=412372Enfin, les deux derniers produits 312=52×6=2(26)×2(3)et 312=26×12=2(13)×2(6)nous permettent de déduire les valeurs de x, y, a et b afin d’obtenir les différences 312=292232et312=19272Ce sont les quatre différences correspondant aux quatre produits.

On considère la factorisation première de c c=2αp0βp1γpnωdans laquelle les pi sont les facteurs premiers impairs. On peut trouver le nombre de différences (qui est égal au nombre de produits) en calculant le nombre de diviseurs (mais en réservant tout de même deux facteurs 2 pour s’assurer d’avoir deux facteurs pairs) et en divisant par 2 pour obtenir des paires de diviseurs. Le nombre de différences correspond donc à #=(α2+1)(β+1)(γ+1)(ω+1)2si le nombre n’est pas un carré parfait. Si le nombre est un carré parfait qui se divise par 4, il possède un nombre impair de diviseurs et on utilise #=(α2+1)(β+1)(γ+1)(ω+1)12En outre, on peut éviter cette exception ingrate des carrés parfaits avec une partie entière : #=[(α2+1)(β+1)(γ+1)(ω+1)2] dans laquelle [x] est la partie entière de x (généralement notée x par les anglais).

Le nombre c est impair

c=a2b2=(a+b)(ab)Si a et b sont de parités différentes, alors a+b et ab sont tous les deux impairs. On déduit que le nombre c est le produit de deux nombres impairs : c’est donc un nombre impair. On peut poser a+b=2x+1 et ab=2y+1 et à l’instar de ce qu’on a fait précédemment, on peut résoudre le système d’équations a+b=2x+1ab=2y+1Si on additionne les deux équations, on obtient 2a=2x+2y+2ce qui fait a=x+y+1et si on soustrait les deux équations on obtient 2b=2x+1(2y+1)=2x2yce qui fait b=xyAinsi, si on désire exprimer un nombre impair comme une différence de carrés, on doit d’abord factoriser le nombre en deux facteurs impairs afin de trouver les valeurs de x et de y puis de celles de a et b. Il y a autant de différences différentes que de produits de facteurs impairs différents.

Le nombre 105 s’exprime-t-il comme une différence de carrés ? On note que 105=105×1=35×3=21×5=15×7Le premier produit 105=105×1 peut sembler trivial, mais en posant 2x+1=105, on obtient x=52, puis en posant 2y+1=1, on obtient y=0. Cela nous permet ensuite de calculer les valeurs de a=52+0+1=53 et de b=520=52 ce qui nous donne la différence de carrés 105=532522(On note au passage que tout nombre impair s’exprime toujours comme la différence des carrés de deux nombres consécutifs car (k+1)2k2=k2+2k+1k2=2k+1Ainsi, le ke nombre impair est la différence entre le ke carré et le (k1)e carré.)

Le deuxième produit 105=35×3nous permet de poser 2x+1=35 et trouver x=17 et 2y+1=3 et trouver y=1. Cela nous permet ensuite de calculer a=17+1+1=19 et b=171=16 afin de trouver la différence 105=192162Le produit 105=21×5nous permet quant à lui de poser 2x+1=21 et trouver x=10 et 2y+1=5 et trouver y=2. Le calcul de a=10+2+1=13 et de b=102=8 génère la différence 105=13282Enfin, le produit 105=15×7nous permet de générer la différence 105=11242

On considère la factorisation première de c c=p0αp1βp2γpnωdans laquelle les pi sont les facteurs premiers impairs (notez l’absence de facteur 2). À l’instar de ce qu’on a fait dans la section précédente, on calcule la moitié du nombre de diviseurs #=(α+1)(β+1)(γ+1)(ω+1)2si le nombre n’est pas un carré parfait. Si le nombre est un carré parfait impair, on utilise #=(α+1)(β+1)(γ+1)(ω+1)12On évite encore l’exception des carrés parfaits avec une partie entière : #=[(α+1)(β+1)(γ+1)(ω+1)2]

En corolaire, puisque qu’un nombre premier ne se divise que par 1 et lui-même, un seul produit est possible, un produit de la forme c=p×1et donc tout nombre premier impair peut être représenté comme une différences de carrés de manière unique. Quelques étapes algébriques nous permettent de trouver 2x+1=px=p122y+1=1y=0a=x+y+1=p12+0+1=p+12b=xy=p120=p12Ainsi, p=(p+12)2(p12)2Le lecteur aguerri aura remarqué que puisque l’écart entre les nombres p+12 et p12 est 1, cela correspond à une différence des carrés de deux nombres consécutifs tel que vu plus haut, et donc pour un nombre premier impair p, il s’agit de la seule différence possible.

Le nombre c est un nombre pair qui ne se divise pas par 4

Les nombres pairs non-divisibles par 4 sont les laissés-pour-compte.c=a2b2=(a+b)(ab)

Si c est un nombre pair qui ne se divise pas par 4, alors c comporte dans sa factorisation première un seul et unique facteur 2. Cela implique que a+b est pair et ab est impair ou inversement, a+b est impair et ab est pair. En d’autres mots, a+b et ab sont de parités différentes.

Si a+b est pair, alors a et b sont de même parité. Dans ce cas, ab doit être impair, et a et b doivent être de parités différentes, une contradiction.

Si a+b est impair, alors a et b sont de parités différentes. Dans ce cas, ab doit être pair, et a et b doivent être de même parité, une contradiction.

En outre, dans le cas d’un nombre pair non divisible par 4, il n’y a aucune différence de carrés possible.

Cuvée 3.14

Vin du nouvel an

Bonne année en retard ! La cuvée 3.14 de Foillard est un petit délice que j’ai eu la chance de boire entre amis le soir du nouvel an (avec en prime un calembour mathématique).

Côte du Py  Côte du π

Peut-être le plus grand vin du Beaujolais ? La remarquable cuvée 3.14 de Foillard est issue de vignes de plus de 100 ans de la colline volcanique de la Côte du Py et uniquement dans les meilleurs millésimes. Ce vin éthéré et élégant, produit en quantités minuscules, est exceptionnellement rare. Dans une leçon magistrale d’équilibre, Foillard parvient à faire ressortir des arômes incroyablement complexes et toute la profondeur du fruit, tout en conférant à son vin une texture légère, séduisante et soyeuse.

Traduit et adapté de : https://cellanextdoor.com

π-ètre formulation

Plus tôt cette année, un peu avant la journée de π, j’ai vu dans une infolettre mathématique hebdomadaire cette rubrique :

Je dois avouer que l’infolettre est d’ordinaire assez bien ficelée et que je trouve les contenus souvent intéressants et pertinents, surtout pour un enseignant au secondaire. Sans surprise j’étais donc enthousiasmé par la suite présentée, une suite simple, nouvelle en ce qui me concerne, et qui tend vers une constante célébrée. Je l’ai donc soumise avec entrain à certains élèves qui étaient encore dans la classe au moment où j’ai consulté l’infolettre. J’ai même osé dire à un élève dont je savais les parents professeurs de mathématiques : « Tiens, tu montreras ça à ton père ! Je ne sais pas encore pourquoi ça tend vers π, mais c’est intriguant ! »

Curieux de connaître la rapidité avec laquelle la suite converge vers π, en arrivant à la maison j’ai concocté un petit script en python :

Aïe aïe aïe ! J’ai été surpris de constater qu’en réalité la suite ne tend pas vers π, malgré ce qu’insinuait l’infolettre. Elle semble tendre vers un autre nombre pas loin, à près de 0,00005 de π. Close, but no cigar. Oups ! Un petit courriel plus tard pour expliquer mon trop plein d’enthousiasme (et la bévue) au père de mon élève, et je me mettais au travail. « … numbers that converge to a recognisable number ». Ah ? Lequel ? Je ne vois pas.

Feu l’Inverseur de Plouffe

Étant incapable d’utiliser à bon escient la référence du Journal of Recreational Mathematics, mon premier réflexe a été de tenter de me rendre sur le site de l’Inverseur de Plouffe, pour voir si ce nombre mystère s’y trouvait. Je dis « tenter » car c’est à ce moment que j’ai découvert que l’Inverseur de Plouffe n’est plus en ligne… depuis… 12 ans. Re-oups. Ça ne nous rajeunit pas, disons.

La fraction médiane ? (non)

Je dois avouer que j’ai ensuite passé un peu (trop) de temps à investiguer du côté des fractions médianes. La fraction médiane de ab et cd est a+cb+d. Et dans la suite, on somme les dividendes (numérateurs) et les diviseurs (dénominateurs) des deux termes précédents. On note parfois l’opération de faire la somme des numérateurs et des dénominateurs abcd=a+cb+dque les anglophones nomment « the freshman’s sum » parce qu’il s’agit d’une façon erronée d’effectuer l’addition (traditionnelle) de fractions, erreur que répètent parfois certains élèves novices. L’intérêt de la fraction médiane est que si ab<cd et que a, b, c et d sont positifs, alors ab<a+cb+d<cd

Les pentes des côtés du parallélogramme sont ab et cd et ab<cd.
La pente de la diagonale du parallélogramme est a+cb+d et ab<a+cb+d<cd.

On peut s’en convaincre algébriquement en calculant les différences strictement positives entre a+cb+d et ab a+cb+dab=b(a+c)b(b+d)a(b+d)b(b+d)=ab+bcb2+bdab+adb2+bd=ab+bcabadb2+bd=bcadb2+bd=bcbdadbdb2bd+bdbd=cdabbd+1>0car cd>abcdab>0et bd+1>0et entre cd et a+cb+d cda+cb+d=c(b+d)d(b+d)d(a+c)d(b+d)=bc+cdbd+d2ad+cdbd+d2=bc+cdadcdbd+d2=bcadbd+d2=bcbdadbdbdbd+d2bd=cdab1+db>0 car cdab>0 et 1+bd>0Les fractions médianes peuvent donc nous servir à trouver des approximations rationnelles à des nombres irrationnels sans trop de peine. Par exemple, pour π, on peut utiliser les fractions 31 et 41 puisque 31<π<41La première fraction médiane est 3141=3+41+1=72Puisque 31<π<72la deuxième fraction médiane serait 3172=3+71+3=103Puisque 31<π<103la suivante serait 31103=10+31+3=134Puis comme 31<π<134la suivante serait 31134=3+131+4=165Puisque π était beaucoup plus près de la fraction de départ 31 que de la fraction de départ 41, on semble s’approcher de π par la droite, en d’autres mots, la fraction médiane est pour l’instant toujours supérieure à π. Bien sûr, cela ne sera pas toujours le cas. Poursuivons encore quelques étapes,31<π<165nous donne 31165=3+161+5=196puis 31<π<196nous donne 31196=227approximation célébrée de π. 31<π<227nous donne une enième approximation par la droite 31227=3+221+7=258avant que 227<π<258nous donne une première approximation par la gauche 227258=25+227+8=4715Les approximations obtenues avec les fractions médianes sont sensibles au choix des fractions de départ et convergent lentement par rapport à d’autres méthodes. Les meilleures approximations rationnelles sont celles obtenues à l’aide des fractions continues, et en comparaison, celles des fractions médianes font pâle figure. Il nous a fallu de nombreuses étapes pour trouver 47153,1333une approximation qui n’est pas, en soi, exceptionnelle.

En outre, dans la suite,

en considérant les divisions comme des fractions, on approche le nombre mystère en trouvant la fraction médiane des deux dernier termes. Or, sans plan clair et agacé par le fait qu’on utilise uniquement les deux dernières fractions et jamais celle qui précède les deux dernières, comme c’est arrivé dans mon exemple pour π, j’ai eu l’impression d’emprunter un cul-de-sac. Or, ce n’était pas en vain : à quelle notion pourrait-on faire référence lorsqu’on considère les sommes des deux derniers termes ?

La suite de Fibonacci (oui !)

En effet, si on considère la suite de Fibonacci, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144, 233, 377, 610 on peut observer que les diviseurs correspondent aux quintuple des termes de de la suite.5, 5, 10, 15, 25, 40, 65, 105, 170, 275, 445, 720, ,1165, 1885, 3050 Pour les dividendes, c’est moins évident, mais ce sont les sextuple des termes de la suite, avec un déphasage 6, 6, 12, 18, 30, 48, 78, 126, 204, 330, 534, 864, 1398, 2262, 3660 Si Fn représente le ne terme de la suite de Fibonacci, alors les termes de la suite de l’infolettre sont 6Fn+25FnEn se rappelant que Fn+2=Fn+1+Fn, o peut évaluer la limite limn6Fn+25Fn=65limnFn+2Fn=65limnFn+1+FnFn=65(limn1+Fn+1Fn)=65(1+limnFn+1Fn)=65(1+φ)car tel que vu précédemment sur ce blogue, le rapport des termes consécutifs de la suite tendent vers φ=1+52.  Sachant en plus que 1+φ=1+1+52=3+52=6+254=1+25+54=(1+5)222=(1+52)2=φ2il est possible d’écrire 65(1+φ)=65φ2La suite tend donc vers 65φ2=9+3553,141640786499873817845504201238un nombre qui est à moins de 0,000048132910080579383 de π. Grâce à cette valeur, je suis ensuite tombé sur cette page chez Futility Closet, contenant la même référence au Journal of Recreational Mathematics, mais hélas sans plus de détails.

 

PS. Au moment où j’allais publier le billet, j’ai découvert une version de l’Inverseur disponible ici : http://wayback.cecm.sfu.ca/projects/ISC/ISCmain.html

J’avais foi en l’Inverseur et j’aurai eu raison ! En effet, on y trouve :
18+6531,41640786499873817ce qui nous aurait bien sûr mis sur la bonne piste.