ou un peu d’analyse numérique…
L’apothème et le côté
La question était celle-ci, posée par un élève de deuxième secondaire,
Quel est le périmètre du polygone régulier dont l’angle extérieur en chaque sommet mesure environ 6,1˚ et dont le côté mesure 6,1 cm ?
L’apothème de ce polygone est-il plus grand ou plus petit que le côté ?
En deuxième secondaire, en utilisant le fait que l’angle extérieur a pour mesure 6,1° et en trouvant que ce polygone régulier comporte 59 côtés, on déduit intuitivement que la mesure de l’apothème est sans doute plus grande que celle du côté (la trigonométrie est enseignée deux ans plus tard). Le polygone régulier à 59 côtés, illustré ci-dessus, est pratiquement déjà indistinguable d’un cercle à l’œil nu.
D’autre part, on sait que l’apothème d’un triangle équilatéral est plus petit que son côté – en fait, même la hauteur est plus petite que son côté. Avec Pythagore, on peut trouver une expression qui représente la hauteur (qui est aussi une médiane) : \(\displaystyle h = \frac{\sqrt{3}}{2}c\).
\begin{align} h^{2} + \left(\frac{c}{2}\right)^{2} & = c^2 \\ \\ h^{2} + \frac{c^2}{4} & = c^{2} \\ \\ h^{2} & = \frac{3c^{2}}{4} \\ \\ h & = \frac{\sqrt{3}}{2}c \end{align}
puis, par symétrie,
ou en utilisant le fait que les médianes se rencontrent au \(\frac{2}{3}\) de leur longueur à partir du sommet, on trouve \[a = \frac{\sqrt{3}}{6}c \approx 0,2887c\]
On peut donc se demander quand le changement s’opère-t-il ? À partir de combien de côtés est-ce que l’apothème d’un polygone régulier devient-il plus grand que le coté de ce même polygone ?
En divisant le polygone régulier en \(n\) triangles isocèles isométriques, puis en divisant à nouveau ces triangles en traçant les apothèmes du polygone (qui sont des hauteurs, médianes, médiatrices et bissectrices des triangles isocèles),
on pose \[\tan\left(\frac{\pi}{n}\right) = \frac{\frac{c}{2}}{a}\]ou, de manière équivalente, \[c = 2a\tan\left(\frac{\pi}{n}\right)\]
On cherche à résoudre l’inéquation \[a > c\] En substituant, \[a > 2a\tan\left(\frac{\pi}{n}\right)\]
et en divisant par \(2a\) (un nombre positif), on obtient \[\frac{1}{2} >\tan\left(\frac{\pi}{n}\right)\]
Or \(\frac{1}{2}\) n’est pas une valeur remarquable de la tangente. En considérant le graphique de la fonction \[f(x) = \tan\left(\frac{\pi}{x}\right)\]sur l’intervalle \(x \geq 3\) (heureusement, parce qu’en se rapprochant de l’axe vertical, ça se gâte!) on obtient
et on se rend compte que la mesure du côté du polygone régulier devient plus petite que l’apothème lorsqu’on passe de 6 à 7 côtés. Ainsi, pour le triangle équilatéral, le carré, le pentagone régulier et l’hexagone régulier, la mesure de l’apothème est plus petite que celle du côté ; pour l’heptagone régulier et les suivants, la mesure de l’apothème est plus grande que celle du côté.
Mieux vaut circonscrire… qu’inscrire
J’ai récemment donné à mes élèves le problème suivant :
Dans le cercle suivant, on a inscrit le pentagone régulier \(ABCDE\). La mesure d’un côté du pentagone \(ABCDE\) est 542 cm. On a aussi tracé un deuxième pentagone régulier \(FGHIJ\) circonscrit au cercle. Les points \(A\), \(B\), \(C\), \(D\) et \(E\) sont respectivement les points milieux des côtés \(\overline{JF}\), \(\overline{FG}\), \(\overline{GH}\), \(\overline{HI}\) et \(\overline{IJ}\) du pentagone \(FGHIJ\).
Quel pentagone possède l’aire la plus proche de celle du disque ? Le pentagone \(ABCDE\) ou le pentagone \(FGHIJ\) ?
note : J’ai choisi la mesure de 542 cm avec un bon vieux tableur : il s’avère qu’en utilisant la moitié de 542, c’est-à-dire 271, et la tangente, on peut trouver la mesure de l’apothème : \[\frac{271}{\tan\left(36^{\circ}\right)} = 372,9995 \cdots \approx 373\]On est très près d’un entier… ça facilite la correction :-)
Bref, après quelques calculs, les élèves arrivaient à la conclusion que le pentagone régulier circonscrit avait une aire plus proche de l’aire du disque que le pentagone régulier inscrit.
Qu’en est-il des autres polygones réguliers ? Est-ce toujours le polygone circonscrit qui donne une meilleure approximation de l’aire du disque ? Voyons voir…
Si on pose \(c_{i}\), \(a_{i}\) comme étant les mesures d’un côté et de l’apothème du polygone régulier à \(n\) côtés inscrit dans un cercle de rayon \(r\), et \(c_{c}\) et \(a_{c}\) comme étant les mesures d’un coté et de l’apothème du polygone régulier à \(n\) côtés circonscrit dans un même cercle de rayon \(r\), alors on peut trouver ceci :\[\sin\left(\frac{\pi}{n}\right) = \frac{\frac{c_{i}}{2}}{r}\]ce qui fait\[c_{i} = 2r\sin\left(\frac{\pi}{n}\right)\]On a aussi\[\cos\left(\frac{\pi}{n}\right) = \frac{a_{i}}{r}\]ce qui fait\[a_{i} = r\cos\left(\frac{\pi}{n}\right)\]On peut donc trouver une expression correspondant à l’aire du polygone régulier inscrit :\begin{align} A_{i} & = \frac{n\cdot 2r\sin\left(\frac{\pi}{n}\right) \cdot r\cos\left(\frac{\pi}{n}\right) }{2} \\ \\ & = r^{2} \cdot n \cdot \sin\left(\frac{\pi}{n}\right)\cos\left(\frac{\pi}{n}\right)\end{align}Pour ce qui est du polygone régulier circonscrit,
on a \[a_{c} = r\]et\[\tan\left(\frac{\pi}{n}\right) = \frac{\frac{c_{c}}{2}}{r}\]ou, de manière équivalente,\[c_{c} = 2r\tan\left(\frac{\pi}{n}\right)\]On peut donc trouver une expression correspondant à l’aire du polygone régulier circonscrit :
\begin{align} A_{c} & = \frac{n\cdot 2r\tan\left(\frac{\pi}{n}\right) \cdot r }{2} \\ \\ & = r^{2} \cdot n \cdot\tan\left(\frac{\pi}{n}\right)\end{align}
Comme tous les disques et polygones réguliers à \(n\) côtés sont semblables, on peut poser le rayon du cercle égal à 1, sans perdre de généralité.
Suspectant que le polygone circonscrit ait toujours une aire plus près de celle du disque que le polygone inscrit, c’est-à-dire que si \(A_{d}\) est l’aire du disque et \(A_{i}\) et \(A_{c}\) sont les aires des polygones réguliers à \(n\) côtés respectivement inscrit et circonscrit, on aurait
\begin{align}\left(A_{d}-A_{i}\right)-\left(A_{c}-A_{d}\right) & > 0\\ \\ \left(\pi \left(1\right)^{2}-n \cdot \sin\left(\frac{\pi}{n}\right)\cos\left(\frac{\pi}{n}\right)\right)-\left(n\cdot\tan\left(\frac{\pi}{n}\right)-\pi \left(1\right)^2\right) & > 0\\ \\ 2\pi-n \cdot \sin\left(\frac{\pi}{n}\right)\cos\left(\frac{\pi}{n}\right)-n\cdot\tan\left(\frac{\pi}{n}\right) & > 0\end{align}
je me suis intéressé à la fonction suivante
\[f\left(x\right) = 2\pi-x \cdot \sin\left(\frac{\pi}{x}\right)\cos\left(\frac{\pi}{x}\right)-x\cdot\tan\left(\frac{\pi}{x}\right)\]
Comme on ne considère que des valeurs de \(x \geq 3\), la fonction se comporte bien (pas d’asymptote ou discontinuité puisque dans ce cas, \(0 < \frac{\pi}{x} \leq \frac{\pi}{3} < \frac{\pi}{2}\)). Et je m’attendais, sur ce domaine, à avoir une fonction strictement positive \[f\left(x\right) > 0\]
Or ce n’est pas le cas ! On voit que pour la valeur \(n=3\), la fonction est négative ! Il y a donc une exception : le tout premier polygone régulier, le triangle équilatéral. On voit aussi que la différence est maximale lorsque \(n = 4\) (environ 0,28), tout juste devant \(n = 5\) (environ 0,27).
À droite du zéro, la fonction reste gentiment au dessus de l’axe des abscisses (un petit exercice sur les limites suit).
No solutions exist. C’est WolframAlpha qui le dit !
Le terme \(x \cdot \sin\left(\frac{\pi}{x}\right)\cos\left(\frac{\pi}{x}\right) \to \pi\) (par en dessous) lorsque \(x\to \infty\) et \(x\cdot\tan\left(\frac{\pi}{x}\right) \to \pi\) (encore une fois, par en dessous) lorsque \(x \to \infty\). Pour s’en convaincre, il suffit de substituer \[z = \frac{\pi}{x}\]Ainsi, \(z \to 0\) lorsque \(x \to \infty\) et on retrouve les limites bien connues \(\displaystyle \lim_{z\to 0}\cos\left(z\right) = 1\) et \(\displaystyle \lim_{z\to 0} \frac{\sin\left(z\right)}{z}=1\). On a \[\lim_{x \to \infty} x \cdot \sin\left(\frac{\pi}{x}\right)\cdot \cos\left(\frac{\pi}{x}\right) =\pi \cdot \left(\lim_{z \to 0} \frac{\sin\left(z\right)}{z}\right)\cdot\left(\lim_{z \to 0} \cos\left(z\right)\right)=\pi \cdot 1 \cdot 1 = \pi \]La deuxième limite est similaire en utilisant en plus le fait que \(\displaystyle \tan\left(z\right) = \frac{\sin\left(z\right)}{\cos\left(z\right)}\).
En d’autres mots, le polygone régulier circonscrit a toujours une aire plus proche de celle du disque que le polygone régulier inscrit… sauf dans le cas du triangle équilatéral : le triangle équilatéral inscrit à une aire plus proche de celle du disque que le triangle équilatéral circonscrit.
Bonjour, petite question concernant le logiciel utilisé ici… pourriez-vous me contacter par courriel? Merci!
C’est fait !