Sur le nom des fonctions trigonométriques

Vous avez expliqué à vos élèves que le préfixe « co » devant le nom des fonctions trigonométriques peut faire référence à l’angle « complémentaire ». C’est-à-dire qu’on a \begin{align*}\cos(x) &= \sin\left(\frac{\pi}{2}-x\right) \\ \\ \csc(x) &=\sec\left(\frac{\pi}{2}-x\right) \\ \\ \cot(x) &= \tan\left(\frac{\pi}{2}-x\right)\end{align*}Cependant vos élèves sont irrités que l’inverse du sinus soit la COsécante et que l’inverse du COsinus soit la sécante (et non pas le contraire) ? Et tout cela alors que la tangente et la COtangente coexiste candidement étant l’inverse l’une de l’autre ? N’ayez crainte, et montrez leur que le sinus est représenté dans le cercle trigonométrique par un segment vertical et que la tangente et la sécante sont représentées à l’aide d’une tangente au cercle verticalealors que le COsinus est représenté dans le cercle trigonométrique par un segment horizontal et la COsécante et la COtangente sont représentées à l’aide d’une tangente au cercle horizontale

Référence : www.reddit.com/r/math

Série (sub)harmonique

On a déjà vu sur ce blogue la démonstration aussi vieille qu’élégante de Nicole Oresme (dont on devrait prononcer le nom “Orême” selon toute vraisemblance [1]) de la divergence de la série harmonique.  En d’autres mots, on a \[\sum_{r=1}^{n}\frac{1}{r}\rightarrow \infty\]lorsque\[n\rightarrow \infty\]En consultant les questions de la compétition Bernoulli Trials de 2004 [2], tenue à l’Université de Waterloo, je suis tombé sur celle-ci

7. Let \(a_{n}\) be the \(n^{\text{th}}\) positive integer whose digits do not include \(9\) when written in base \(10\).

TRUE or FALSE? \[\sum_{n=1}^{\infty}\frac{1}{a_{n}}\]diverges.

Ah ! Est-ce qu’on enlève assez de termes à la série harmonique pour la rendre convergente ? Je me rappelle avoir été estomaqué lorsque j’ai consulté la solution. Et je ne me rappelle par quel lien ou référence, mais cela m’a aussi permis de découvrir et lire l’excellent livre Gamma : Exploring Euler’s Constant de Julian Havil, certainement un des livres de mathématiques « style grand public » des plus substantiels (entendre : difficiles). On y apprend que cette question a été considérée par A. J. Kempner en 1914. On répondra donc à la question ci-haut, mais on note que la démarche est la même pour les chiffres autres que \(9\) (spécifiquement de \(1\) à \(8\)) et essentiellement la même pour le chiffre \(0\) (il ne suffit que d’un petit ajustement). Il est aussi possible d’étendre la démarche à n’importe quelle séquence de chiffres, par exemple, on enlève tous les nombres qui contiennent la séquence « \(42\) » ou « \(213\) » ou « \(112358\) », etc.

On cherche donc à savoir si cette série converge : \[1 + \frac{1}{2} + \frac{1}{3} + \frac{1}{4}+ \frac{1}{5}+ \frac{1}{6}+ \frac{1}{7}+ \frac{1}{8}+ \frac{1}{10}+ \ \dots \  + \frac{1}{18} + \frac{1}{20} + \ \dots \ + \frac{1}{88} + \frac{1}{100} + \ \dots \]On peut d’abord essayer de calculer le nombre de termes qu’il nous reste par rapport à la série harmonique originale. On peut grouper les termes selon le nombre de chiffres que l’on retrouve au dénominateur. On avait au départ \(9\) termes avec un seul chiffre au dénominateur et on en a enlevé qu’un seul, \(\frac{1}{9}\), il nous reste donc \(8\) termes avec un seul chiffre au dénominateur. On avait au départ \(90\) termes avec deux chiffres au dénominateur, on en a enlevé \(18\) (c’est-à-dire les termes \(\frac{1}{19}\), \(\frac{1}{29}\), \(\frac{1}{39}\), \(\frac{1}{49}\), \(\frac{1}{59}\), \(\frac{1}{69}\), \(\frac{1}{79}\), \(\frac{1}{89}\), \(\frac{1}{90}\), … , \(\frac{1}{99}\)), il nous reste donc \(72\) termes avec deux chiffres au dénominateurs. Or, plutôt que de soustraire les termes écrits avec le chiffre \(9\) à la série originale, une méthode plus efficace nous amènerait à simplement dénombrer les termes écrits sans le chiffre \(9\) (et ne commençant pas par \(0\)). On a donc \(8\) possibilités pour le premier chiffre du nombre (c’est-à-dire \(1\), \(2\), \(3\), \(4\), \(5\), \(6\), \(7\), \(8\)) et \(9\) possibilités pour les chiffres suivants (c’est-à-dire \(0\), \(1\), \(2\), \(3\), \(4\), \(5\), \(6\), \(7\), \(8\)). Le tableau suivant rend compte de ce dénombrement.

Nombre de chiffres au dénominateur
Nombre de termes
\[1\]\[8\]
\[2\]\[8\times 9\]
\[3\]\[8 \times 9 \times 9 = 8 \times 9^{2}\]
\[4\]\[8\times 9 \times 9 \times 9 = 8 \times 9^{3}\]
\[\dots\]\[\dots\]
\[n\]\[8\times 9^{n-1}\]

Ainsi, sur les termes avec \(n\) chiffres au dénominateur, on en garde \(8 \times 9^{n-1}\). Et en général, sur les \(10^{n}-1\) premiers termes de la série harmonique originale, il nous reste seulement \[8\cdot 1 + 8\cdot 9 + 8 \cdot 9^{2} + 8\cdot 9^{3} + \ \dots \ + 8\cdot 9^{n-1}\]termes.  En effectuant la mise en évidence de \(8\), on peut par la suite exprimer la somme de la série géométrique entre parenthèses\begin{align*}8\cdot 1 + 8\cdot 9 + 8 \cdot 9^{2} + 8\cdot 9^{3} + \ \dots \ + 8\cdot 9^{n-1}&= 8\left(1 + 9 + 9^{2} +9^{3} + \ \dots \ + 9^{n-1}\right) \\ \\ &= 8 \cdot \frac{9^{n}-1}{9-1} \\ \\ &= 9^{n}-1\end{align*}Cela nous permet de découvrir un résultat à mon avis fort étonnant et même, de prime abord, paradoxal.  Après avoir enlevé tous les termes comportant le chiffre \(9\), il nous reste que \(9^{n}-1\) termes sur les \(10^{n}-1\) du départ.  Ainsi, on trouve \begin{align*}\lim_{n \rightarrow \infty} \frac{9^{n}-1}{10^{n}-1} &= \lim_{n\rightarrow \infty}\frac{\frac{9^{n}}{10^{n}}-\frac{1}{10^{n}}}{\frac{10^{n}}{10^{n}}-\frac{10^{n}}{10^{n}}} \\ \\ &= \lim_{n\rightarrow \infty} \frac{\left(\frac{9}{10}\right)^{n}-\frac{1}{10^{n}}}{1-\frac{1}{10^{n}}} \\ \\ &= \frac{0}{1-0} \\ \\ &=0\end{align*}c’est-à-dire qu’on a enlevé, de manière asymptotique, presque tous les termes ! En d’autres mots, presque tous les nombres entiers incluent, dans leur écriture en base \(10\), le chiffre \(9\) ! Et comme la démarche est la même pour les autres chiffres (de \(1\) à \(8\)), et que pour une démarche similaire avec le chiffre \(0\), on obtient\[\lim_{n\rightarrow \infty} \frac{\frac{9}{8}\left(9^{n}-1\right)}{10^{n}-1} = 0\]on peut même affirmer que presque tous les nombres entiers incluent, dans leur écriture en base 10, tous les chiffres ! Cela peut paraître paradoxal lorsqu’on pense à de petits nombres, mais cela devient moins surprenant lorsqu’on prend en exemple des entiers de plus en plus grands comportant de plus en plus de chiffres dans leur écriture. S’il nous reste « un nombre négligeable de termes », peut-être peut-on suspecter que la série converge ?

En regardant les dénominateurs des \(8\) premiers termes, on trouve qu’ils sont tous plus grands ou égaux à \(1\), c’est donc que les \(8\) premiers termes sont tous plus petits ou égaux à \(1\). Les dénominateurs des \(72\) prochains termes, ceux à deux chiffres, sont tous plus grands ou égaux à \(10\), c’est donc que les \(72\) prochains termes sont tous plus petits ou égaux à \(\frac{1}{10}\). Cette observation nous permet de trouver un majorant à la série !  On obtient en sommant la série géométrique infinie \begin{align*}\sum_{n=1}^{\infty} \frac{1}{a_{n}}&\leq 8 \cdot 1 + 8\cdot 9 \cdot \frac{1}{10} + 8\cdot 9^{2}\cdot \frac{1}{10^{2}} + 8\cdot 9^{3}\cdot \frac{1}{10^{3}} + \ \dots \\ \\ &= 8 \left(1 + \left(\frac{9}{10}\right) + \left(\frac{9}{10}\right)^{2} + \left(\frac{9}{10}\right)^{3} + \ \dots \right) \\ \\ &= 8 \cdot \frac{1}{1-\frac{9}{10}} \\ \\ &=80\end{align*}La série converge ! Bien sûr, \(80\) est un majorant très grossier et comme la démarche ne discrimine pas le chiffre \(9\) des autres chiffres, il fait d’ailleurs l’affaire pour ceux-ci. Les sommes, avec \(5\) décimales de précision, sont données dans le tableau suivant

Chiffre manquant
Somme
\[0\]\[23,\!10344\]
\[1\]\[16,\!17696\]
\[2\]\[19,\!25735\]
\[3\]\[20,\!56987\]
\[4\]\[21,\!32746\]
\[5\]\[21,\!83460\]
\[6\]\[22,\!20559\]
\[7\]\[22,\!49347\]
\[8\]\[22,\!72636\]
\[9\]\[22,\!92067\]

Pour ce qui est du chiffre \(0\), la démarche est sensiblement la même et on obtient \(90\) (puisqu’on a \(9\) chiffres possibles et non \(8\) comme premier chiffre du nombre) comme majorant et \(23,\!10344\) comme somme approximative.

Référence :

[1] Mathematics Magazine, Volume 83, Number 4, October 2010 , pp. 327-328(2)

[2] Christopher G. Small et Ian Vanderburgh, Mathematics Magazine, Volume 79, Number 3, June 2006 , pp. 199-205(7)

Julian Havil  (2009), Gamma: Exploring Euler’s Constant, Princeton University Press, 2009

Icosaèdre régulier

On avait déjà vu sur ce blogue que la valeur exacte du cosinus de \(36^{\circ}\) est \[\cos(36^{\circ}) = \frac{1+\sqrt{5}}{4}\]

L’angle intérieur d’un pentagone régulier étant de \(108^{\circ}\), cette valeur nous permet de trouver le rapport entre la mesure d’un côté d’un pentagone régulier et la mesure de sa diagonale,ce rapport étant égal au double du cosinus de \(36^{\circ}\) : le nombre d’or (noté \(\varphi\)) ! L’icosaèdre régulier est un des cinq polyèdres réguliers. Ses \(20\) faces sont des triangles équilatéraux isométriques et à chaque sommet se rejoignent \(5\) faces.

Ainsi, en considérant les cinq faces triangulaires isométriques partant d’un sommet, il est possible d’identifier un ensemble d’arêtes qui sont coplanaires et qui forment un pentagone régulier.

Cette remarque, bien qu’elle soit incomplète, nous permet néanmoins d’apprécier la jolie construction suivante,

un assemblage de trois rectangles dans les proportions « divines » (c’est-à-dire du nombre d’or). Les plus petits côtés des rectangles correspondent à des arêtes alors que les plus grands, des diagonales de pentagones. Cela nous permet aussi de visualiser les coordonnées cartésiennes des sommets d’un icosaèdre régulier (dont les arêtes, par soucis de simplicité et d’élégance, mesurent \(2\) unités) \[\left(\pm\varphi,\, \pm 1, \, 0\right)\, , \quad \left(\pm1,\, 0,\, \pm\varphi\right)\, , \quad \left(0,\, \pm\varphi,\, \pm 1\right)\]Bien sûr, cette longue introduction à ce court billet n’avait en réalité d’autre but que de vous présenter l’icosaèdre de votre humble serviteur

Fait en quelques minutes avant l’affectation des postes ! Disons seulement que ça manque un peu de couleurs…

Référence : H.S.M. Coxeter (1989), Introduction to Geometry 2nd Edition

Wikipedia et Mathcurve pour certaines images.