Milles au gallon

Ça prend ce cher Einstein pour calculer les 230 mpg de la Chevrolet Volt

Nos voisins du sud et “les gars de chars” d’ici utilisent encore ce rapport pour désigner la consommation en essence de leurs véhicules, au lieu des “litres par 100 km” comme ici au Québec ou dans la plupart des pays du vieux continent.  Or, utiliser le rapport “litres par 100 km” a des avantages indéniables. Ah ? Mais quel est donc le problème puisque le rapport “litres par 100 km” n’est, en quelque sorte et à un changement d’unités près, que le rapport inverse des “milles au gallon” ?

Voici un exemple :

Votre petite famille américaine et vous possédez deux voitures : une compacte qui fait 34 mpg et un VUS qui fait 18 mpg. Vous faites avec les deux voitures à peu près le même mileage chaque mois. Avec les prix actuels de l’essence, vous décidez de changer un des deux véhicules par un autre qui consomme moins, afin de réduire la facture le plus possible.  Deux choix s’offrent à vous :

a) remplacer la compacte par une hybride qui fait 54 mpg.

b) remplacer le VUS par une berline qui fait 28 mpg.

Vous et votre petite famille voulez bien entendu réaliser la plus grande économie. Que faites-vous alors ? On remplace la compacte à 34 mpg par l’hybride à 54 mpg ? Ou le VUS à 18 mpg par la berline à 28 mpg ? Ou est-ce que les deux choix sont équivalents ?

Référence : http://wheels.blogs.nytimes.com/2008/06/20/the-illusion-of-miles-per-gallon/ via http://what-if.xkcd.com/

Intégrale

Exercice : on doit évaluer l’intégrale définie suivante01x4(1x)41+x2dxOn effectue la longue division afin d’obtenir, on l’espère, des termes plus faciles à intégrer.  Cette dernière me donne

La longue division polynomiale avec crochet

et on a donc01x4(1x)41+x2dx=01x64x5+5x44x2+44(11+x2)dxEn évaluant cette intégrale terme à terme, on obtient01x4(1x)41+x2dx=01x64x5+5x44x2+44(11+x2)dx=[x774x66+5x564x33+4x4arctan(x)]01=[x772x63+x54x33+4x4arctan(x)]01Comme on a en plus arctan(0)=0etarctan(1)=π4on obtient 01x4(1x)41+x2dx=[x772x63+x54x33+4x4arctan(x)]01=1772163+154133+414arctan(1)=1723+143+44π4=227πun résultat particulièrement attrayant.

Comme l’intégrande est positif (il s’agit d’un quotient dans lequel le numérateur et le dénominateur sont tous deux positifs), et qu’en inspectant les bornes, 0<1, l’intégrale sera positive. Cela nous montre de manière élégante, mais peu économique, que 227 est plus grand que π.

Référence : Julian Havil (2009), Gamma : Exploring Euler’s Constant

Pôles, polaires et coniques…

J’avais le goût de faire des gifs animés dans Géogébra alors voici mon excuse.

L’inversion

On s’intéresse d’abord d’une manière quelque peu superficielle à l’inversion, une transformation néanmoins fort intéressante du plan, inventée par le grand géomètre suisse Jakob Steiner en 1828. D’un cercle ω de centre O et de rayon k, on définit l’inverse d’un point P du plan (autre que O) comme le point P’ sur la demi-droite OP et pour lequel on observe la relation suivante

Il se trouve selon cette définition que l’inverse de P’ est P.  L’inversion est donc involutive (elle est sa propre réciproque). Il est aussi facile de voir que chaque point à l’extérieur du cercle est envoyé à l’intérieur du cercle et chaque point à l’intérieur du celcle (sauf le centre O) est envoyé à l’extérieur du cercle.  Les points sur le cercle sont bien sûr invariants. On peut construire l’inverse d’un point P à l’intérieur du cercle d’inversion.  On cherche T, l’extrémité d’une corde passant par P et perpendiculaire à la demi-droite OP. La tangente au cercle ω passant par T rencontre la demi-droite OP en P’ et c’est le point recherché !En effet, le triangle OTP’ étant rectangle (la tangente rencontre perpendiculairement le rayon OT) et puisque les triangles rectangles OPT et OTP’ sont semblables par le cas de similitude AA, et que la mesure de OT est égale à celle du rayon k, on a bien

Cette méthode nous permet aussi de trouver l’inverse d’un point P si P est à l’extérieur du cercle. On trace la demi-droite OP et l’une des deux tangentes au cercle passant par P. Cette tangente touche le cercle en T.  Le point recherché P’ est le pied de la perpendiculaire à OP passant par T.

Il existe bien sûr d’autres moyens de trouver P’ (en particulier si mOP > ½k il est possible d’utiliser le compas seul) mais cela n’est pas l’objet du présent billet. On note tout de même avant de continuer que l’inversion est une transformation fascinante : qu’advient-il lorsqu’on inverse une droite passant par O ? Ne passant pas par O ? D’un cercle passant par O ? Ne passant pas par O ? D’un triangle ? etc.  Les résultats sont parfois surprenants et mériteront qu’on s’y attarde dans un futur billet. L’inversion est aussi souvent une première occasion d’étendre le plan euclidien “régulier”.  Dans ce cas-ci, on étend le plan euclidien avec un point “idéal” à l’infini O’, image de O, centre du cercle d’inversion.

L’inversion est en outre très différente des translations, rotations ou réflexions et des homothéties mais elle partage entre autres avec ces transformations du plan la caractéristique élémentaire qu’elle transforme des points en points.  Cela n’est pas le cas avec la prochaine transformation, qui entretient cependant un étroit lien avec l’inversion.

Les pôles et polaires

Dans cette transformation (reciprocation en anglais), les points sont transformés en droites et les droites en points. Pour cette variante de l’inversion, on utilise un cercle ω de centre O et de rayon k. Chaque point P (autre que O) détermine une droite p, appelée la polaire de P, qui est la droite perpendiculaire à OP passant par l’inverse P’ de P. Au contraire, toute droite p (ne passant pas par O) détermine un point P, appelé le pôle de p, qui est l’inverse du pied de la perpendiculaire joignant O à p. La polaire d’un point sur le cercle d’inversion est la tangente au cercle en ce point et le pôle d’une tangente au cercle d’inversion est le point de tangence.  Dans aucun autre cas une polaire passe-t-elle par son pôle.

Les coniques

Voici comment il est possible de définir les coniques à l’aide des pôles et polaires. On considère un cercle ω de centre O et de rayon k, et un autre cercle α de centre A et de rayon r. Les coniques peuvent être définies par rapport à ω à la fois comme un lieu de points, en considérant les pôles P des tangente p à α, et à la fois comme une enveloppe de droites, en considérant les polaires t des points T sur α. Le rayon k de ω n’affecte pas la forme de la conique mais seulement ses dimensions. En outre, la forme de la conique est déterminée par le rapport

qu’on appelle excentricité de la conique. Si

c’est-à-dire si O se trouve à l’intérieur de α, on obtient une figure ovale : l’ellipse. Plus ε s’approche de 0, plus l’ellipse s’apparente à un cercle (à la limite, lorsque O et A coïncident, on a ε = 0 et l’image de α est un cercle) et, au contraire, plus ε s’approche de 1, moins la figure s’apparente à un cercle.

L’ellipse à la fois comme enveloppe de polaires et lieu de pôles

Sic’est-à-dire si O est sur α, alors on a un point, le point O sur α, qui  n’a pas de polaire et une tangente, la tangente à α en O, qui n’a pas de pôle : on obtient une parabole et elle s’étend à l’infini en direction AO.

La parabole à la fois comme enveloppe de polaires et lieu de pôles

Enfin, sic’est-à-dire si O est à l’extérieur de α, alors on a deux tangentes à α, les deux tangentes passant par O, qui n’ont pas de pôle ; cependant les points de tangence de ces tangentes possèdent bel et bien des polaires : ces polaires sont les asymptotes de la courbe obtenue : l’hyperbole.

L’hyperbole à la fois comme enveloppe de polaires et lieu de pôles

En terminant, il est possible de raccorder ces définitions des coniques avec celles plus classiques d’un foyer et d’une directrice. On appelle O le foyer de la conique, A son centre et la polaire a de A sa droite directrice. On peut vérifier que pour un point P sur la conique on a bien que la mesure de OP, appelée distance focale, est égale à ε fois la distance de P à la directrice a.

Le point P est le pôle (par rapport au cercle d’inversion ω) d’une tangente p à α (en T) qui coupe OA en Q et rencontre OP en P’ (l’inverse de P). La droite directrice a, polaire de A, et la polaire de Q (notée q) rencontrent respectivement OA en A’ (l’inverse de A) et Q’ (l’inverse de Q). On note R le pied de la perpendiculaire à a par P. On doit prouver que

Si Q’ est à gauche de O

 on a

ce qui est équivalent en multipliant par k/k àOr commeon trouveet on obtient des expressions équivalentes pour OA’et OQ’En remplaçant on obtientou de manière équivalenteAprès une mise en évidence de on aOr puisqueon obtient puispuisqueEnfin,c’est-à-direSi Q’ est à droite de O (mais à gauche de A’)il suffit d’ajuster un signe afin d’obtenir

ou de manière équivalente

Ces distinctions peuvent s’accommoder d’une distance signée : dans ce cas, une seule démarche suffirait.  Commodément, la démarche est la même avec la parabole

et avec l’hyperbole

Dans le cas de cette dernière, si en plus Q’ est à droite de A’,

on a

ce qui nous mène encore à la conclusion souhaitée

Référence : H. S. M. Coxeter (1989), Introduction to Geometry (2nd Edition)

H. S. M. Coxeter et S. Greitzer (1967), Geometry Revisited

R. A. Johnson (1929), Modern Geometry