Sur la hauteur relative à l’hypoténuse dans le triangle rectangle

La relation de Pythagore nous dit que dans un triangle rectangle

on a a2+b2=c2Les résultats du dernier billet, celui sur l’équation de Fermat, nous permet donc de trouver les dimensions de triangles rectangles dont les trois côtés sont des nombres entiers.  Il est possible d’établir un autre lien fort intéressant de la même nature.

En traçant la hauteur issue de l’angle droit (ou relative à l’hypoténuse), le segment d sur la figure, on crée des triangles semblables.  En considérant le grand triangle rectangle initial et un des deux plus petits triangles rectangles semblables, il nous est possible d’établir cette proportion cd=bdou de manière équivalente c=abdEn élevant au carré on obtient c2=a2b2d2ce qui nous permet de remplacer dans l’équation initialea2+b2=a2b2d2En divisant par a2b2 on obtient a2a2b2+b2a2b2=1d2ce qui fait après simplifications 1a2+1b2=1d2C’est l’équation du dernier billet lorsque l’exposant vaut  2.  On pose donc a=2pq(p2+q2),b=(p2+q2)(p2q2),d=2pq(p2q2)avec p et q deux entiers premiers entre eux et de parité différente, et p>q.  Commec=abdon a bien c=2pq(p2+q2)(p2+q2)(p2q2)2pq(p2q2)=(p2+q2)2et c est un entier ! On peut même trouver que la mesure des segments sur l’hypoténuse déterminés par la hauteur (c1 et c2 sur la figure) sont elles aussi entières.  Par Pythagore, on a (c1)2+d2=a2(c1)2+(2pq(p2q2))2=(2pq(p2+q2))2(c1)2=(2pq(p2+q2))2(2pq(p2q2))2et en effectuant une mise en évidence simple puis en factorisant la différence de carrés, on trouve(c1)2=(2pq(p2+q2))2(2pq(p2q2))2=4p2q2((p2+q2)2(p2q2)2)=4p2q2(p2+q2+(p2q2))(p2+q2(p2q2))=4p2q2(2p2)(2q2)=(4p2q2)2c’est-à-direc1=4p2q2un nombre entier ! Puis la même chose avec (c2)2+d2=b2(c2)2+(2pq(p2q2))2=((p2+q2)(p2q2))2(c2)2=((p2+q2)(p2q2))2(2pq(p2q2))2et encore une fois après une mise en évidence simple et une factorisation d’une différence de carrés, on a (c2)2=((p2+q2)(p2q2))2(2pq(p2q2))2=(p2q2)2((p2+q2)2(2pq)2)=(p2q2)2(p2+q2+2pq)(p2+q22pq)=(p2q2)2(p+q)2(pq)2c’est-à-dire c2=(p2q2)(p+q)(pq)=(p2q2)(p2q2)encore un nombre entier !  Pourquoi arrêter le plaisir ? On peut même vérifier que c1+c2=4p2q2+(p2q2)2=4p2q2+p42p2q2+q4=p4+2p2q2+q4=(p2+q2)2=cTout fonctionne ! C’est un truc pratique pour tout enseignant voulant que les solutions à son exercice sur les relations métriques dans le triangle rectangle soient « arrangées avec le gars des vues ».

Sur l’équation de Fermat pour les exposants négatifs

Voici un billet pour lequel je suis assez content et dont j’avais commencé l’ébauche il y a déjà un petit moment et que j’ai terminé récemment après avoir eu en mains propres l’article de Thérond cité ci-bas. J’espère que vous apprécierez.

Le dernier théorème de Fermat, démontré par le mathématicien Andrew Wiles en 1995, nous dit qu’il n’existe pas de nombres entiers positifs non-nuls x, y, z tels que xn+yn=znpour des entiers n strictement supérieur à 2.

On s’intéresse d’abord aux solutions de l’équation lorsqu’elles sont possibles.

Le cas n=2

On a x2+y2=z2Lorsque n=2, on retrouve comme solutions nos chers triplets pythagoriciens. On ne s’intéressera comme à l’habitude qu’aux solutions dîtes primitives, c’est-à-dire celles ne comportant pas de facteur commun.  Par exemple, le triplet x=16, y=30, z=34est bien une solution à l’équation, mais ce n’est pas une solution primitive, puisque 16, 30 et 34 ne sont pas premiers entre eux.  En divisant par 2, on obtient x=8, y=15, z=17un triplet primitif.  On désire générer tous les triplets primitifs. Notons d’abord que les trois nombres ne peuvent être pairs, puisqu’ils ne seraient pas premiers entre eux.  Ils ne peuvent pas plus être tous les trois impairs. Le carré d’un impair étant un impair, on aurait la somme de deux impairs, à gauche, donc un nombre pair, et un impair à droite, ce qui est bien sûr impossible. Algébriquement, en posant x=2p+1, y=2q+1, z=2r+1on obtient (2p+1)2+(2q+1)2=(2r+1)24p2+4p+1+4q2+4q+1=4r2+4r+14p2+4q24r2+4p+4q4r+4=34(p2+q2r2+p+qr+1)=3ce qui impliquerait que 4 est un facteur de 3, ce qui est bien évidemment faux. Est-ce que z peut être pair avec x et y impairs ? En posant x=2p+1, y=2q+1, z=2ron obtient (2p+1)2+(2q+1)2=(2r)24p2+4p+1+4q2+4q+1=4r24p2+4q24r2+4p+4q+4=24(p2+q2r2+p+q+1)=2ce qui impliquerait cette fois-ci que 4 est un diviseur de 2, ce qui est encore faux. Puisqu’en dernier lieu, il est impossible d’avoir x et y pairs et z impair, il faut donc que x  ou y soit pair et les deux autres impairs.  Sans restreindre la généralité, on peut choisir y pair et x et z impairs. En partant de x2+y2=z2on soustrait y2 de chaque côtéx2=z2y2et on factorise la différence de carrés x2=(z+y)(zy)On suppose que t soit le plus grand commun diviseur de z+y et zyt=pgcd(z+y,zy)Si c’est le cas, alors il doit aussi diviser la somme (z+y)+(zy)=2zet la différence(z+y)(zy)=2yde ces deux nombres. Puisque z et y n’ont pas de facteur commun, on déduit que t=1 ou t=2. Or, comme on veut x impair et quex2=(z+y)(zy)ce choix s’arrête sur t=1. En d’autres mots, z+y et zy sont premiers entre eux. Le produit de z+y et zy étant un carré, c’est-à-dire x2, ces expressions doivent être eux-mêmes des carrés. On pose donc z+y=a2et zy=b2On remarque au passage que a>b et tous les deux sont impairs et premiers entre eux. Cela nous donne, pour x x2=a2b2x=abpuis en effectuant la somme(z+y)+(zy)=a2+b22z=a2+b2z=a2+b22et la différence(z+y)(zy)=a2b22y=a2b2y=a2b22
on trouve les expressions respectivement pour z et y. Les triplets primitifs pour le cas où l’exposant est 2 sont donc donnés par x=ab, y=a2b22, z=a2+b22avec a et b tous les deux impairs et premiers entre eux et où a>b.

Une variation souvent empruntée est celle-ci. On garde y pair et x et z impairs. Cependant, on soustrait cette fois-ci l’impairx2y2=z2x2et on factorisey2=(z+x)(zx)Comme y est pair et x et z impairs, on remarque que y2, zx2, z+x2sont tous des nombres entiers positifs. On a donc(y2)2=(z+x2)(zx2)On suppose que le plus grand commun diviseur des deux facteurs de droite est t. Si t=pgcd(z+x2, zx2)alors il doit aussi diviser la sommez+x2+zx2=z
et la différencez+x2zx2=xde ces deux nombres. Or, z et x sont premiers entre eux, et on n’a donc d’autres choix que de poser t=1. En d’autres mots, z+x2 et zx2 sont premiers entre eux. De plus, puisque le produit de ces expressions est un carré, (y2)2=(z+x2)(zx2)les expressions z+x2 et zx2 sont eux-mêmes des carrés. On pose donc z+x2=a2zx2=b2On note encore une fois que a et b sont eux aussi premiers entre eux et a>b. En effectuant la somme z+x2+zx2=a2+b2z=a2+b2et la différence z+x2zx2=a2b2x=a2b2on obtient des expressions respectivement pour z et x . On note aussi que puisque a et b sont premiers entre eux, ils ne peuvent pas être tous les deux pairs. Enfin, ils ne peuvent pas être tous les deux impairs, sans quoi x et z seraient pairs ce qui contredit notre hypothèse. On obtient aussi en remplaçant (y2)2=a2b2y2=aby=2abAinsi, alternativement, les triplets primitifs pour le cas où l’exposant est 2 sont donnés parx=a2b2, y=2ab, z=a2+b2a et b sont deux nombres entiers strictement positifs, avec a>b et a et b de parité opposée.

Les cas n=1 et n=0

Ce sont les cas triviaux. Les solutions à x1+y1=z1sont directes et il n’y a pas de solution à l’équationx0+y0=z01+1=12=1puisque n’importe quelle base non-nulle élevée à l’exposant 0 donne toujours 1.

Les autres valeurs possibles pour n

Qu’en est-il si on s’autorise d’autres valeurs pour n ? Des valeurs rationnelles ? Irrationnelles ? Négatives ? Il se trouve, peut-être de manière surprenante, que le théorème tient pour des valeurs de n rationnelles supérieures à 2. En d’autres mots, il n’y a pas de solution pour des valeurs de n rationnelles supérieures à 2. Cependant, en admettant des valeurs rationnelles inférieures à 2, on trouve une infinité (dénombrable) de solutions mais dans toutes ces solutions l’exposant prend l’une ou l’autre de ces formes n=1mou n=2mqui découlent respectivement des formes entières n=1 et n=2. Pour des valeurs de n irrationnelles, le théorème ne tient pas.  Morgan [1] dans son article donne comme exemple :

Puisque 42+52>62et 43+53<63par le théorème des valeurs intermédiaires, il existe une valeur de n, 2<n<3tel que 4n+5n=6n

Et il est en effet possible de trouver une infinité (dénombrable) de ces valeurs irrationnelles. Pour davantage de détails, voir Morgan [1]. Le billet d’aujourd’hui s’intéresse cependant aux valeurs entières strictement négatives de l’exposant n. D’abord on remarque ceci qui est primordial. Pour les valeurs de n  strictement négatives, on pose n=mm est un entier strictement positif.  L’équationxn+yn=znest donc équivalente dans ce cas àxm+ym=zmou encore1xm+1ym=1zmEn mettant sur dénominateur commun et en effectuant l’additionxm+ymxmym=1zmpuis en effectuant le produit croisé on obtientxmzm+mzm=zmymou(xz)m+(yz)m=(xy)mc’est-à-dire une équation de la forme(X)m+(Y)m=(Z)mpour laquelle le dernier théorème de Fermat nous assure qu’il n’y a des solutions que pour m entier inférieur ou égal à 2. Cela implique que d’une part, il n’y aura donc que deux cas à considérer :  n=1 et n=2, et d’autre part, la démarche précédente nous permet d’établir une bijection (en simplifiant les facteurs communs s’il y a lieu) entre les solutions des exposants positifs et négatifs. L’exemple du début de l’article pour n=2x=8, y=15, z=17nous donnerait la solution primitive (136)2+(255)2=(120)2et de manière analogue avec n=1, la solution x=5, y=2, z=7à l’équation x1+y1=z1nous donnerait(35)1+(14)1=(10)1On cherche cependant des formules pour générer ces triplets primitifs, à l’instar de la démarche entreprise pour le cas positif dans lequel l’exposant est 2.

Le cas n=1

On a x1+y1=z1ou de manière équivalente en vertu de ce qu’on vient de trouver ci-haut xz+yz+xyEn soustrayant xy de chaque côté xzxy+yz=0puis z2 xzxy+yzz2=z2et en factorisant le membre de gauchex(zy)z(zy)=z2on obtient(xz)(zy)=z2Enfin, en multipliant chaque côté par 1 (qu’on insère dans le deuxième facteur à gauche), on obtient cette jolie équation (xz)(yz)=z2On pose r=xz, s=yzce qui faitrs=z2Soit t le plus grand commun diviseur de r et s.  On divise par t2rst2=z2t2(rt)(st)=(zt)2Cela nous assure que les deux facteurs de gauche sont premiers entre eux. Et comme leur produit est égal à un carré, chaque facteur doit lui-même être un carré. On pose rt=u2, st=v2On insiste au passage que u2 et v2 sont des carrés premiers entre eux et cela implique que u et v sont eux aussi premiers entre eux. En remplaçant, on au2v2=z2t2ou de manière équivalente u2v2t2=z2de laquelle on tireuvt=zComme, d’une part,r=tu2ets=tv2et, d’autre part, r=xzets=yzon trouve, respectivement pour x,x=r+zpuis en remplaçantx=tu2+uvt=tu(u+v)et pour y, y=s+zpuis en remplaçant y=tv2+uvt=tv(u+v)Comme on cherche les solutions primitives, il suffit de diviser les trois expressions trouvées pour x, y et z par leur facteur commun t. Les triplets primitifs pour le cas où l’exposant est 1 sont donc donnés par x=u(u+v), y=v(u+v), z=uvu et v sont deux entiers strictement positifs premiers entre eux.

Le cas n=2

En suivant partiellement Jean-Daniel Thérond [2], on a x2+y2=z2ce qui est équivalent à1x2+1y2=1z2En mettant sur dénominateur commun et en additionnant, on obtient x2+y2x2y2=1z2puis en inversantx2y2x2+y2=z2On pose cette fois-ci t comme le plus grand commun diviseur de x et y. On a donc pour un certain a et un certain b x=ta, y=tbce qui faitz2=(ta)2(tb)2(ta)2+(tb)2=t4a2b2t2(a2+b2)=t2a2b2a2+b2Or comme a et b sont premiers entre eux, on a que pgcd(a2b2,a2+b2)=1et ainsi le dénominateur doit donc diviser t2 car z2 est un entier.  On at2=k(a2+b2)pour un certain k.  Ainsi,z2=t2a2b2a2+b2=k(a2+b2)a2b2a2+b2=ka2b2et k est un carré !  On posek=n2et on remplacet2=n2(a2+b2)Cela nous assure que la somme entre parenthèses est bien un carré. En utilisant les résultats concernant les triplets pythagoriciens démontrés ci-haut, il nous est possible de poser a=2pq, b=p2q2avec p et q deux entiers premiers entre eux et de parité opposée.  L’égalité précédente devient donct2=n2(p2+q2)2qui nous donne tt=n(p2+q2)Finalement, puisqu’on avait au départx=ta, y=tben remplaçant t, a et b, on a x=2npq(p2+q2), y=n(p2+q2)(p2q2)et pour z z=2npq(p2q2)Comme on cherche les triplets primitifs, on divise les trois expressions par le facteur commun n. Les triplets primitifs pour le cas où l’exposant est 2 sont donc donnés par x=2pq(p2+q2), y=(p2+q2)(p2q2), z=2pq(p2q2)p et q sont deux entiers strictement positifs avec p > q et p et q de paritié opposée.

[1] Frank Morgan, The College Mathematics Journal, Volume 41, Number 3, May 2010 , pp. 182-185(4)

[2] Jean-Daniel Thérond,  L’enseignement Mathématique, Vol 14, 1968

 Autres références :

G. H. Hardy et E. M. Wright (2008 pour la 6ième édition), An Introduction to the Theory of Numbers

Richard Courant, Herbert Robins et Ian Stewart (1996 pour la 2ième édition), What is Mathematics ? 

Citation

“The visual is central to all levels of mathematics,” said Witheley, delivering his opinions one day to a small amphitheather of schoolteachers at a mathematics conference at York University. “It changes the question you ask, it changes the methods you use, it changes the answers, and it changes the way mathematicians communicate and teach. What you see is central to how you reason and problem solve.”

One of his vignettes recounted a problem during the Second World War, when the British were losing too many aircraft. Mathematician and statistical theorist Abraham Wald worked on the problem of how to save more planes ; he was trying to determine where extra armor plates would be most beneficial. His first instinct was to add armor to the most damaged areas of returning planes, but after analyzing the visual data – the patterns of bullet holes on returning aircraft – Wald reached the opposite conclusion. He conducted his analysis by drawing and outline of a plane and cumulatively marking all the places where returning planes had been shot, which left almost the entire image covered, except two crucial locations. Wald then correctly surmised that the planes lost in battle had been hit in the unmarked areas – the cockpit and the tail engine – indicating it was those areas that needed more armor.

Siobhan Roberts (2006), King of Infinite Space : Donald Coxeter, The Man who Saved Geometry

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