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Dear Meg,

It’s not hard to see, in your question, a sense of – I don’t know – anticipated boredom, or perhaps some worry about what you’ve let yourself in for.  It’s all reasonably interesting now, but, as you say, “Is this all there is ?”  You’re reading Shakespeare, Dickens, and T.S. Eliot in your english class, and you can reasonably assume that while this is of course only a tiny sample of the world’s greatest writing, there is not some higher level of English literature whose existence has not been disclosed to you.  So you naturally wonder, by analogy, wether the math you’re learning in high school is what mathematic is. Does anything happen at higher levels besides biggers numbers and harder calculations ?

What you’ve seen so far is not really the main event.  Mathematicians do not spend the most of their time doing numerical calculations, even though calculations are sometimes essential to making progress.  They do not occupy themselves with grinding out symbolic formulas, but formulas can nontheless be indispensable.  The school math you are learning is mainly some basic tricks of the trade, and how to use them in very simple contexts.  If we were talking woodwork, it’s like learning to use a hammer to drive a nail, or a saw to cut wood to size.  You never see a lathe or an electric drill, you do not learn how to build a chair, and you absolutly do not learn how to design and build an item of furniture no one has thought of before.

Not that a hammer and saw arent’s useful.  You can’t make a chair if you don’t know how to cut the wood to the correct size.  But you should not assume that because that’s all you ever did at school, it’s all carpenters ever do.

– Ian Stewart dans Letters to a young mathematician

Les caractères gras sont de moi.  Je dis souvent à mes élèves : « vous pouvez tous aller à la bibliothèque et chercher les grands classiques de la littérature française : avec un peu de volonté, vous pouvez dévorer Notre-Dame de Paris ou Madame Bovary et apprécier l’oeuvre à juste titre.  Vous serez émerveillés, vous serez émus.  Personne parmi vous ne peut cependant aller à cette même bibliothèque et lire les grands classiques de la mathématique.   Personne ne sera ému par Introductio in analysin infinitorum d’Euler, personne ne sera émerveillé par Disquisitiones arithmeticae de Gauss et aucun d’entre-vous, certainement, ne sera en mesure de déchiffrer une seule phrase de Über die Hypothesen welche der Geometrie zu Grunde liegen de Riemann.  Pour y arriver, cela vous prendrait encore au moins 10 ans d’études en mathématiques.  C’est une distinction importante. »

La parabole comme enveloppe

Considérons la parabole suivante, avec son foyer \(F\) et sa droite directrice \(D_{1}\) et un point \(P\) sur cette parabole.

Comme tout point de la parabole est équidistant du foyer et de la droite directrice (sa définition usuelle comme lieu de points), on trouve \[\overline{FP}\cong \overline{AP}\](avec, au passage, \(\overline{AP}\) perpendiculaire à \(D_{1}\)).

Relions \(A\) et \(F\). Dans le billet sur la droite d’Euler, on montre que tout point de la médiatrice d’un segment est équidistant des extrémités de ce segment (et réciproquement). Le point \(P\) est donc sur la médiatrice de \(\overline{AF}\).

Bien ! Montrons que cette médiatrice est tangente à la courbe. Dans ce cas, il faudrait que la médiatrice et la parabole ne se touche qu’en un point, le point \(P\). Supposons que la médiatrice coupe la parabole en deux endroits et déduisons une contradiction.

En effet, supposons que la médiatrice de la droite \(AF\) coupe aussi la parabole en \(B\). Comme le point \(B\) est sur la médiatrice, il est à la même distance de \(A\) que de \(F\). On a donc \[\overline{AB}\cong \overline{BF}\]

Or, par définition, si \(B\) est aussi sur la parabole, on trouve aussi \[\overline{BC}\cong \overline{BF}\](encore une fois, ici, \(BC\) perpendiculaire à \(D_{1}\)). Par transitivité, \[\overline{AB}\cong \overline{BC}\]

Est-ce que, vraiment, \(m\overline{AB}\) peut être égal à \(m\overline{BC}\) ? Réfléchissons un peu. Si c’était le cas, alors le triangle \(ABC\) serait isocèle et \(ABC\) étant isocèle, il serait aussi isoangle. Mais comme l’angle \(ACB\) est droit, on aurait aussi \(BAC\) droit. Et alors on obtiendrait ce résultat \begin{align*}m\angle BAC + m\angle ACB + m\angle ABC &= 90^{\circ}+90^{\circ} + m\angle ABC \\ \\ &=180^{\circ}+m\angle ABC \\ \\ &> 180^{\circ}\end{align*}ce qui est la contradiction recherchée. La médiatrice est donc tangente à la parabole. En déplaçant le point \(A\) sur la droite directrice, on obtient donc une infinité de médiatrices toutes tangentes à la parabole. Cela donne lieu à une construction très belle !

Cette propriété permet aussi d’expliquer la construction de la parabole par pliage.

La formule de Héron

La formule de Héron nous permet de trouver l’aire d’un triangle quelconque connaissant les mesures de ses trois côtés. Il suffit de calculer d’abord le demi-périmètre \(s\) du triangle \(ABC\), avec côtés \(a\), \(b\) et \(c\), et ensuite de calculer \[\text{Aire}(\triangle ABC) = \sqrt{s\, (s-a)(s-b)(s-c)}\]Il existe de nombreuses preuves de ce résultat (en utilisant Pythagore ou un peu de trigonométrie) mais aucune n’est aussi belle que celle fournie par Héron même. Sa preuve se lit comme un bon roman : elle est ingénieuse, élégante et garde le lecteur en haleine jusqu’à ce que la finale se dévoile abruptement.

La preuve repose sur cinq résultats. On prend d’abord quelques minutes pour les apprécier.

Proposition 1 : les bissectrices d’un triangle se rencontrent en un point. C’est le centre du cercle inscrit dans le triangle.

La bissectrice est la droite qui coupe l’angle en deux angles isométriques. On considère l’angle \(ABC\) suivant. On trace la bissectrice \(BP\).

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On doit montrer que tout point de la bissectrice est équidistant des côtés de l’angle. On trace les segments perpendiculaires à \(AB\) et \(BC\) passant par \(P\), respectivement \(\overline{DP}\) et \(\overline{EP}\), et respectivement les distances de \(P\) à \(AB\) et de \(P\) à \(BC\). Par définition de bissectrice, les angles \(ABP\) et \(CBP\) sont isométriques. Les angles \(BDP\) et \(BEP\) sont droits (et donc isométriques). Et comme la somme des mesures des angles intérieurs d’un triangle est toujours égale à 180°, on trouve que les angles \(BPD\) et \(BPE\) sont forcément isométriques eux-aussi. Les triangles \(BDP\) et \(BEP\) partageant tous les deux le côté \(BP\), on trouve qu’ils sont isométriques par le cas ACA. Et comme dans les triangles isométrique les côtés homologues sont isométriques, on trouve que \(\overline{DP}\) et \(\overline{EP}\) sont isométriques. Le point \(P\) est donc équidistant des deux côtés de l’angle.

La réciproque est aussi vraie. Si \(P\) est équidistant de \(AB\) et de \(BC\), alors on a que \(\overline{DP}\) et \(\overline{EP}\) sont isométriques. Les deux triangles \(BDP\) et \(BEP\) partagent le côté \(BP\). Les deux triangles \(BDP\) et \(BEP\) sont rectangles (par définition de distance) et donc, avec Pythagore, on trouve que les segments \(BE\) et \(BD\) sont eux-aussi isométriques. Les triangles sont donc isométriques par le cas CCC et comme dans les triangles isométriques, les angles homologues sont isométriques, on conclut que les angles \(DBP\) et \(EBP\) sont isométriques. \(BP\) est donc une bissectrice.

On considère maintenant le triangle \(ABC\) suivant, dans lequel on a tracé les bissectrices des angles \(BAC\) et \(ACB\) qui se croisent en \(O\).

2010_01_02_06Puisque \(O\) est sur la bissectrice de l’angle \(BAC\), il est équidistant des côtés \(AB\) et \(AC\). Puisque \(O\) est aussi sur la bissectrice de l’angle \(ACB\), il est équidistant des côtés \(BC\) et de \(AC\). Par conséquent, il est donc aussi équidistant des côtés \(AB\) et \(BC\). \(O\) est donc aussi sur la bissectrice de l’angle \(ABC\). Les bissectrices se coupent en un point : c’est le centre du cercle inscrit. En effet, les distances de \(O\) à \(\overline{AB}\), de \(O\) à \(\overline{AC}\) et de \(O\) à \(\overline{BC}\), toutes égales, jouent le rôle de rayons de ce cercle, rayons perpendiculaires aux côtés du triangle (définition de distance). Les côtés du triangle sont donc tangents au cercle.

Proposition 2 : La hauteur issue de l’angle droit d’un triangle rectangle détermine deux petits triangles semblables entre-eux et aussi semblables avec le grand triangle de départ.

Cette proposition est vue en quatrième secondaire. On considère le triangle \(ABC\) rectangle en \(B\) suivant. On trace la hauteur \(\overline{BD}\).

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Par définition de hauteur, l’angle \(ADB\) est droit et le triangle \(ADB\) est rectangle. Les triangles \(ABC\) et \(ADB\) partagent l’angle \(A\), ils sont donc semblables par le cas de similitude AA.

Par définition de hauteur, l’angle \(BDC\) est droit et le triangle \(BDC\) est aussi rectangle. Les triangles \(ABC\) et \(BDC\) partagent l’angle \(C\) et ils sont donc semblables par le cas de similitude AA.

Puisque les triangles \(ADB\) et \(BDC\) sont tous deux semblables au triangle \(ABC\), on conclut qu’il sont aussi semblables entre eux.

Proposition 3 : Dans un triangle rectangle, le milieu de l’hypoténuse est équidistant des trois sommets.

On considère le triangle \(ABC\) rectangle en \(B\) suivant. On trace le point milieu \(E\) de \(\overline{BC}\). On trace ensuite la perpendiculaire à \(\overline{BC}\) passant par \(E\). Cette perpendiculaire coupe \(\overline{AC}\) en \(D\).

2010_01_02_08Il reste à montrer que \(overline{AD}\), \(\overline{BD}\) et \(\overline{CD}\) sont isométriques. Comme \(E\) est le point milieu de \(\overline{BC}\), on trouve que \(\overline{BE}\) et \(\overline{CE}\) sont isométriques. Les angles \(BED\) et \(CED\) sont également isométriques. Les triangles \(BED\) et \(CED\) partageant le même côté \(DE\), on trouve qu’ils sont isométriques par le cas CAC. Et comme dans les triangles isométriques les côtés homologues sont isométriques, on trouve que \(\overline{BD}\) et \(\overline{CD}\) sont isométriques. La moitié du travail reste à faire.

Par la suite, on remarque que \[180^{\circ}=m\angle BAD + m\angle ABE + m\angle DCE\]Et comme l’angle \(ABE\) est droit, on obtient d’abord \[180^{\circ} = m\angle BAD + 90^{\circ} + m\angle DCE\]puis \[90^{\circ}-m\angle DCE = m\angle BAD\]Comme dans les triangles isométriques, les angles homologues sont isométriques, on trouve \[\angle DBE \cong \angle DCE\]En remplaçant dans l’équation précédente, on obtient : \[90^{\circ}-m\angle DBE = m\angle BAD\]Or, que vaut l’angle \(ABD\) ? Tout simplement \[90^{\circ}-m\angle DBE = m\angle ABD\]puisqu’il s’agit d’angles adjacents complémentaires. On obtient donc : \[m\angle BAD = m\angle ABD\]Le triangle \(ABD\) est donc isocèle et, par conséquent, les côtés \(AD\) et \(BD\) sont isométriques.

Proposition 4 : Si ABCD est un quadrilatère (avec les diagonales AC et BD) et que les angles BAC et BDC sont des angles droits, alors le quadrilatère est inscriptible dans un cercle (en d’autres mots, on peut tracer un cercle passant par ABCD).2010_01_02_09On trace \(O\), le milieu de \(\overline{BC}\). Les triangles \(BAC\) et \(BDC\) sont tous les deux rectangles et possède la même hypoténuse \(BC\). Le point \(O\) est le milieu de cette hypoténuse et, par la proposition 3, est donc équidistant de \(B\), de \(A\), de \(D\) et de \(C\). On peut donc tracer un cercle de centre \(O\) passant par \(A\), \(B\), \(C\), et \(D\).

Proposition 5 : Les angles opposés d’un quadrilatère inscriptible dans un cercle sont supplémentaires.

On considère le quadrilatère \(ABDC\) inscrit dans le cercle de centre \(O\) suivant :

2010_01_02_10Dans le triangle \(ABC\), on trouve que \[m\angle BAC + m\angle ACB + m\angle ABC = 180^{\circ}\]Les angles \(BAC\) et \(BDC\) sont des angles inscrits qui interceptent le même arc \(BC\). Ils sont donc isométriques. \[\angle BAC \cong \angle BDC\]Les angles \(ACB\) et \(ADB\) sont des angles inscrits qui interceptent le même arc \(AB\). Ils sont donc isométriques. \[\angle ACB \cong \angle ADB\]En substituant, on obtient : \[m\angle BDC + m\angle ADB + m\angle ABC = 180^{\circ}\]Mais comme \[m\angle ADC = m\angle BDC + m\angle ADB\]on obtient : \[m\angle ADC + m\angle ABC = 180^{\circ}\]Voilà !

Il est fort possible, à ce moment, que vous trouviez que ces cinq propositions ne suggèrent rien qui puisse aider à trouver l’aire d’un triangle. Et pourtant ! C’est tout ce dont Héron avait besoin pour compléter sa longue et ingénieuse preuve !

On considère un triangle \(ABC\) quelconque comme celui de la figure suivante. Par convention, on pose \[a = m\overline{BC}, \quad b = m\overline{AC}, \quad m\overline{AC}\]

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On trace les trois bissectrices des angles du triangle. Par la proposition 1, ces trois bissectrices se rencontrent en \(O\). Par la même proposition, on sait que \(O\) est à égale distance des trois côtés du triangle : on appelle cette distance \(r\) et on trace le cercle de centre \(O\) et de rayon \(r\). Ce cercle est tangent à \(\overline{AC}\) en \(F\), à \(\overline{BC}\) en \(E\) et à \(\overline{AB}\) en \(D\). On a donc \[m\overline{OD} = m\overline{OE} = m\overline{OF} = r\]Enfin, puisqu’il apparait dans la formule de Héron, on pose \(s\) comme le demi-périmètre \[s = \frac{a+b+c}{2}\]Pour des raisons qui ne sont pas apparentes pour l’instant, on prolonge \(\overline{BA}\) jusqu’à \(G\) de telle sorte que \[\overline{AG}\cong \overline{CE}\]Clairement, l’aire du triangle \(ABC\) est égale à la somme des aires des trois triangles \(ABO\), \(ACO\) et \(BCO\).

Avec la bonne vieille formule \[\text{Aire du triangle} \ = \ \frac{\text{base}\times \text{hauteur}}{2}\]Héron trouve \begin{align*}\text{Aire}(\triangle ABO) &=\frac{cr}{2} \\ \\ \text{Aire}(\triangle ACO) &= \frac{br}{2} \\ \\ \text{Aire}(\triangle BCO) &=\frac{ar}{2}\end{align*}En posant \[\text{Aire}(\triangle ABC) = \text{Aire}(\triangle BCO) + \text{Aire}(\triangle ACO) + \text{Aire}(\triangle ABO)\]et en remplaçant les aires par les expressions trouvées, il obtient \[\text{Aire}(\triangle ABC) = \frac{ar}{2} + \frac{br}{2} + \frac{cr}{2}\]En mettant \(r\) en évidence, il trouve ensuite \[\text{Aire}(\triangle ABC) = r \left(\frac{a+b+c}{2}\right)\]ou tout simplement \[\text{Aire}(\triangle ABC) = rs\]

C’est remarquable puisqu’il fait déjà apparaitre le demi-périmètre \(s\) dans la formule d’aire. Remarquable, certes, mais l’objectif final est encore très loin.

En se référant à notre figure, et en se rappelant que les bissectrices déterminent des angles isométriques, on découvre une panoplie de triangles isométriques. Par exemple, les triangles \(CFO\) et \(CEO\) possèdent déjà deux angles homologues isométriques (l’angle droit et celui formé par la bissectrice). Leur troisième angle homologue étant conséquemment isométrique (la somme des angles intérieurs d’un triangle vaut toujours \(180^{\circ}\)) et le côté \(\overline{CO}\) étant partagé par les deux triangles, on affirme, par le cas d’isométrie ACA, que les triangles \(CFO\) et \(CEO\) sont isométriques. Héron trouve de la même manière \[\triangle CFO \cong \triangle CEO, \quad \triangle AFO \cong \triangle ADO, \quad \triangle BDO \cong \triangle BEO\]Et comme dans les triangles isométriques les côtés et les angles homologues sont isométriques, il trouve aussi \[\overline{AD} \cong \overline{AF}, \quad \overline{BD} \cong \overline{BE}, \quad \overline{CE} \cong \overline{CF}\]et \[\angle AOD \cong \angle AOF, \quad \angle BOD \cong \angle BOE, \quad \angle COE \cong \angle COF\]À ce moment, Héron remarque que \[m\overline{BG} = m\overline{AG}+m\overline{AD}+m\overline{BD}\]ce qui est égal à \[m\overline{BG}=\frac{1}{2}\left(2m\overline{AG}+2m\overline{AD}+2m\overline{BD}\right)\]et donc \[m\overline{BG}=\frac{1}{2}\left(m\overline{AG}+m\overline{AG}+m\overline{AD}+m\overline{AD}+m\overline{BD}+m\overline{BD}\right)\]ce qui fait, après quelques substitutions, \[m\overline{BG}=\frac{1}{2}\left(m\overline{AG}+m\overline{AG}+m\overline{AD}+m\overline{AF}+m\overline{BD}+m\overline{BE}\right)\]Mais comme il avait défini au départ \[\overline{AG}\cong \overline{CE}\]il trouve finalement\[m\overline{BG}=\frac{1}{2}\left(m\overline{CE}+m\overline{CF}+m\overline{AD}+m\overline{AF}+m\overline{BD}+m\overline{BE}\right)\]ce qui fait en réarrangeant les termes \[m\overline{BG} = \frac{1}{2}\left(\left(m\overline{BE}+m\overline{CE}\right)+\left(m\overline{AD}+m\overline{BD}\right)+\left(m\overline{AF}+m\overline{CF}\right)\right)\]ou tout simplement \begin{align*}m\overline{BG} &= \frac{1}{2}\left(a+b+c\right) \\ \\ &= s\end{align*}La mesure du segment \(BG\) est donc égale au demi-périmètre ! Il semble que Héron voulait avoir ce segment devant les yeux avant de continuer. Cela dit, il déduit certaines mesures qui nous seront utiles sous peu. Il trouve d’abord\[s-c=m\overline{BG}-m\overline{AB}=m\overline{AG}\]Héron trouve ensuite \[s-b=m\overline{BG}-m\overline{AC}\]ce qui fait\[s-b=\left(m\overline{BD}+m\overline{AD}+m\overline{AG}\right)-\left(m\overline{AF}+m\overline{CF}\right)\]puis en remplaçant\[s-b=\left(m\overline{BD}+m\overline{AD}+m\overline{CE}\right)-\left(m\overline{AD}+m\overline{CE}\right)\]Il obtient donc\[s-b=m\overline{BD}+m\overline{AD}+m\overline{CE}-m\overline{AD}-m\overline{CE}\]ou tout simplement\[s-b=m\overline{BD}\]Enfin, il trouve\[s-a=m\overline{BG}-m\overline{BC}\]ce qui fait\[s-a=\left(m\overline{BD}+m\overline{AD}+m\overline{AG}\right)-\left(m\overline{BE}-m\overline{CE}\right)\]et donc après substitution, \[s-a=m\overline{BD}+m\overline{AD}+m\overline{AG}-m\overline{BD}-m\overline{CE}\]Puisque\[\overline{AG}\cong\overline{CE}\]il obtient simplement \[s-a=m\overline{AD}\]Ces trois relations avec le demi-périmètre apparaissent dans la formule de Héron. Ils feront l’objet de substitutions lors d’une étape cruciale de la preuve.

On reprend maintenant notre figure initiale et on y ajoute quelques constructions. Héron trace \(OL\) perpendiculaire à \(OB\). \(OL\) coupe \(AB\) en \(K\). Il trace ensuite \(AM\) perpendiculaire à \(AB\) par \(A\). On nomme \(H\) le point d’intersection de \(OL\) et \(AM\).

Le résultat de cette construction qui nous intéresse est le quadrilatère \(AHBO\). Puisque les diagonales \(\overline{AB}\) et \(\overline{OH}\) sont perpendiculaires aux côtés \(\overline{AH}\) et \(\overline{BO}\), on déduit, par la proposition 4, qu’il s’agit d’un quadrilatère inscriptible dans un cercle. Par la proposition 5, on peut aussi affirmer que ses angles opposés sont supplémentaires. On a donc \[m\angle AHB+m\angle AOB = 180^{\circ}\]Héron porte ensuite son attention sur les angles autour de \(O\). Afin de rendre le tout plus facile à lire, on pose \begin{align*}\alpha &= m\angle COE = m\angle COF \\ \\ \beta &=m\angle BOE = m\angle BOD \\ \\ \gamma &= m\angle AOF + m\angle AOD\end{align*}

Il obtient facilement l’égalité suivante \[2\alpha + 2\beta + 2\gamma = 360^{\circ}\]et en divisant chaque côté par \(2\), \[\alpha + \beta + \gamma = 180^{\circ}\]Mais comme \[\beta + \gamma = m\angle AOB\]il substitue pour obtenir \[\alpha + m\angle AOB = 180^{\circ}\]Et puisque \[m\angle AHB + m\angle AOB = 180^{\circ}\]il trouve \[\alpha = m\angle AHB\]Cette dernière égalité reste particulièrement intéressant puisqu’elle nous permet d’énoncer une nouvelle paire de triangle semblables, à savoir les triangles \(CFO\) et \(BAH\) puisqu’ils sont aussi tous les deux rectangles (cas de similitude AA).Et comme dans les triangles semblables, les côtés homologues sont dans le même rapport, Héron établit la proportion suivante : \[\frac{m\overline{AB}}{m\overline{AH}} = \frac{m\overline{CF}}{m\overline{OF}} = \frac{m\overline{AG}}{r}\]En intervertissant les extrêmes, il obtient cette égalité \[\frac{m\overline{AB}}{m\overline{AG}} = \frac{m\overline{AH}}{r}\]Les angles \(AKH\) et \(OKD\) sont opposés par le sommet et donc isométriques. Héron établit donc la similitude des triangles \(KAH\) et \(KDO\), en utilisant le cas AA puisque les deux triangles comportent aussi un angle droit. Il obtient ainsi cette deuxième proportion importante \[\frac{m\overline{AH}}{m\overline{AK}} = \frac{m\overline{OD}}{m\overline{KD}} = \frac{r}{m\overline{KD}}\]En intervertissant les extrêmes, il obtient \[\frac{m\overline{AH}}{r} = \frac{m\overline{AK}}{m\overline{KD}}\]Et en combinant l’équation précédente et celle-ci \[\frac{m\overline{AB}}{m\overline{AG}} = \frac{m\overline{AH}}{r}\]il obtient \[\frac{m\overline{AB}}{m\overline{AG}} = \frac{m\overline{AK}}{m\overline{KD}}\]Mais Héron n’a pas encore terminé avec les triangles semblables ! Il s’attaque au triangle rectangle \(KBO\) et sa hauteur \(\overline{OD}\). Par la proposition 2, on sait que les triangles \(KDO\) et \(ODB\) sont semblables. Héron établit donc cette (autre) proportion \[\frac{m\overline{KD}}{r} = \frac{r}{m\overline{BD}}\]que l’on peut réécrire, si on le préfère, comme \[m\overline{KD}\cdot m\overline{BD} = r^{2}\]Héron reprend ensuite \[\frac{m\overline{AB}}{m\overline{AG}} = \frac{m\overline{AK}}{m\overline{KD}}\]et ajoute \(1\) de chaque côté \[\frac{m\overline{AB}}{m\overline{AG}}+1 = \frac{m\overline{AK}}{m\overline{KD}}+1\]En mettant sur dénominateur commun et en effectuant l’addition, il obtient \[\frac{m\overline{AB}+m\overline{AG}}{m\overline{AG}}=\frac{m\overline{AK}+m\overline{KD}}{m\overline{KD}}\]ce qui n’est autre que \[\frac{m\overline{BG}}{m\overline{AG}}=\frac{m\overline{AD}}{m\overline{KD}}\]Héron multiplie le côté gauche de l’équation par \[\frac{m\overline{BG}}{m\overline{BG}}\]et le côté droit de l’équation par \[\frac{m\overline{BD}}{m\overline{BD}}\]Il obtient\[\frac{m\overline{BG}\cdot m\overline{BG}}{m\overline{AG}\cdot m\overline{BG}}=\frac{m\overline{AD}\cdot m\overline{BD}}{m\overline{KD}\cdot m\overline{BD}}\]Or, puisque \[m\overline{KD}\cdot m\overline{BD} = r^{2}\]il remplace et obtient\[\frac{\left(m\overline{BG}\right)^{2}}{m\overline{AG}\cdot m\overline{BG}}=\frac{m\overline{AD}\cdot m\overline{BD}}{r^{2}}\]que l’on peut enfin réécrire \[\left(m\overline{BG}\right)^{2}\cdot r^{2}=m\overline{AD} \cdot m\overline{BD}\cdot m\overline{AG}\cdot m\overline{BG}\]Ah ha ! Rappelons nous que Héron avait plus haut trouvé \begin{align*}s&=m\overline{BG}\\ \\ s-a &=m\overline{AD}\\ \\ s-b &=m\overline{BD} \\ \\ s-c &= m\overline{AG}\end{align*}Et donc en remplaçant, il trouve \[s^{2}\cdot r^{2}=(s-a)(s-b)(s-c)(s)\]En extrayant la racine carrée et en réarrangeant l’ordre des facteurs, il trouve finalement \[rs = \sqrt{s \, (s-a)(s-b)(s-c)}\]Et comme il avait \[\text{Aire}(\triangle ABC) = rs\]il lui suffit d’écrire \[\text{Aire}(\triangle ABC) = \sqrt{s \, (s-a)(s-b)(s-c)}\]Magnifique !

Référence : William Dunham (1991), Journey Through Genius