Quatre cercles et un triangle équilatéral

L’édition 2022 du concours Opti-Math+ demandait aux élèves les questions suivantes :

Soit quatre cercles isométriques tangents de 10 cm de diamètre disposés comme dans l’image suivante :

a) Quelle serait l’aire du plus grand cercle qu’on pourrait dessiner dans la zone grise ?

b) Quelle serait l’aire du plus grand triangle équilatéral qu’on pourrait dessiner dans la zone grise ?

 

Le cercle de la zone grise

La première question en est une assez classique pour ce type de concours. On peut tracer des rayons et former un triangle rectangle (au fait, pourquoi le triangle \(O_{1}O_{2}O_{3}\) est-il rectangle ?)

Puisque ces segments \(O_{1}O_{2}\) et \(O_{2}O_{3}\) correspondent à deux rayons, donc à un diamètre, on a \[m\overline{O_{1}O_{2}} = m\overline{O_{2}O_{3}}= 10\]cm. Cela nous permet de trouver la mesure de \(\overline{O_{1}O_{3}}\), en cm, avec la relation de Pythagore \begin{align*}\left(m\overline{O_{1}O_{2}}\right)^{2} + \left(m\overline{O_{2}O_{3}}\right)^{2} &= \left(m\overline{O_{1}O_{3}}\right)^{2} \\ \\ 10^{2} + 10^{2} &=\left(m\overline{O_{1}O_{3}}\right)^{2} \\ \\ 200 &= \left(m\overline{O_{1}O_{3}}\right)^{2} \\ \\ \sqrt{200}&= m\overline{O_{1}O_{3}} \\ \\ 10\sqrt{2} &= m\overline{O_{1}O_{3}}\end{align*}Puisque les segments \(O_{1}P_{1}\) et \(O_{2}P_{2}\) sont des rayons, leur mesure est de \(5\) cm. Le diamètre du cercle de la région grise (tracé en pointillé) est donc \begin{align*}m\overline{P_{1}P_{2}} &= m\overline{O_{1}O_{3}}-m\overline{O_{1}P_{1}}-m\overline{O_{3}P_{2}} \\ \\ &=10\sqrt{2}-2\cdot 5 \\ \\ &= 10\left(\sqrt{2}-1\right)\end{align*}cm et son rayon \begin{align*}10\left(\sqrt{2}-1\right) \div 2 &= 5\left(\sqrt{2}-1\right) \\ \\ &= 5\sqrt{2}-5\end{align*}cm. On peut répondre à la question. L’aire, en cm2, est \begin{align*}\text{Aire du triangle} &= \pi \cdot \left(5\sqrt{2}-5\right)^{2} \\ \\ &=\pi \cdot (50-50\sqrt{2}+25) \\ \\ &= \pi \cdot (75-50\sqrt{2}) \\ \\&\approx 13,\!4753\end{align*}

Le triangle de la zone grise

J’étais un peu perplexe, lorsque j’ai essayé de faire l’épreuve seul, concernant la deuxième question. Cela me semblait difficile et je ne voyais pas d’amorce de solution simple. Le corrigé sur le site du concours prétend toujours au moment d’écrire ces lignes que le plus grand triangle équilatéral est inscrit dans le cercle pointillé décrit à la question précédente.

Son aire serait donc d’environ 9,9 cm2 selon le corrigé (ou exactement \(\frac{100\sqrt{3}(3-2\sqrt{2})}{3}\) cm2 si on effectue les calculs et conserve les valeurs exactes). Or, en s’amusant un peu dans Géogébra, on découvre facilement des triangles dont les aires sont supérieures. Qu’en est-il en fait ?

Une démarche intuitive

Je me permets de partager ma démarche qui n’a pas le mérite d’être en tout point rigoureuse mais qui devrait convaincre, je l’espère, un élève du secondaire perplexe.

Il est possible de trouver des triangles équilatéraux inscrits dans ce cercle pointillé qui ne sont ni tangents aux grands cercles et qui ne lui touchent pas non plus par un de leurs sommets.

On peut « gonfler » un de ces triangles jusqu’à ce qu’un de ses côtés soit tangent à un grand cercle ou jusqu’à ce qu’un de ses sommets touchent un des grands cercles obtenant du même coup un triangle d’aire supérieure.

En partant de ce principe, on se rend compte qu’il n’est pas nécessaire de conserver le centre du cercle pointillé comme centre du triangle équilatéral. Il est peut-être même avantageux de déplacer le centre du triangle équilatéral.

Le triangle équilatéral grossit jusqu’à ce qu’il touche un des grands cercles (par un côté tangent ou par un sommet). Pourrait-il grossir et toucher simultanément deux cercles ? Trois ? Quatre ?

Très vite on se rend compte aussi que la solution optimale sera symétrique. Il est possible que le triangle soit tangent deux cercles.

En prolongeant les tangentes, celles-ci croisent les deux autres cercles en deux autres points. En utilisant un de ces points, on peut former un triangle équilatéral.  Pour maximiser l’aire, le triangle cherché aura deux de ses sommets sur les autres cercles.

 

La suite

Ce n’est pas très élégant, mais plaçons le tout dans un plan cartésien, le centre \(O_{1}\) à l’origine. Sans perdre de généralité, le triangle cherché sera tangent en \(T_{1}\) et \(T_{2}\) respectivement aux cercles de centre \(O_{4}\) et de centre \(O_{3}\) et aura deux de ses sommets en \(Q\) et en \(R\) respectivement sur les cercles de centre \(O_{1}\) et de centre \(O_{2}\). Il s’avère que les côtés du triangle tangents aux cercles du haut passent par les centres \(O_{1}\) et \(O_{2}\) des cercles du bas.

La tangente \(PT_{1}\) étant perpendiculaire au rayon \(O_{4}T_{1}\), il peut être éclairant de considérer le triangle rectangle \(O_{4}T_{1}O_{1}\). Puisque\[m\overline{O_{1}O_{4}} = 2m\overline{O_{4}T_{1}}\]on déduit que \(m\angle O_{4}O_{1}T_{1} = 30^{\circ}\) et donc que son complémentaire est \[m\angle QO_{1}O_{2} = 60^{\circ}\]Une démarche semblable nous donne \[m\angle RO_{2}O_{1} = 60^{\circ}\]Par symétrie, le segment \(QR\) étant parallèle à l’axe des abscisses, et les angles alternes-internes étant dans ce cas isométriques, \[m\angle PQR = m\angle PRQ = 60^{\circ}\]et on déduit que \[m\angle QPR = 60^{\circ}\]car la somme des mesures des angles intérieurs d’un triangle est \(180^{\circ}\). Le triangle équiangle est équilatéral.

On peut emprunter ici différentes stratégies, certaines plus fines, par exemple celle des triangles semblables, car \[\triangle PO_{1}O_{2} \sim \triangle PQR\]mais je résoudrais plutôt platement un système d’équations. Sachant que \begin{align*}\tan(60^{\circ}) &= \frac{\sin(60^{\circ})}{\cos(60^{\circ})} \\ \\ &= \frac{\frac{\sqrt{3}}{2}}{\frac{1}{2}} \\ \\ &= \frac{\frac{\sqrt{3}\times 2}{2}}{\frac{1}{2}\times 2} \\ \\ &= \sqrt{3}\end{align*}on peut trouver l’équation de \(O_{1}P\), c’est \[y = \sqrt{3}x\]car la droite passe par l’origine. L’équation de \(O_{2}P\) demande un peu plus de travail car on doit déterminer son ordonnée à l’origine. La pente de la droite est \(-\sqrt{3}\) et son équation est donc de la forme \[y = -\sqrt{3}x + b\]où \(b\) est à déterminer. Puisque la droite passe par \(O_{2}(10,\, 0)\) on remplace \[0 = -\sqrt{3}(10) + b\]ce qui fait \[b = 10\sqrt{3}\]Son équation est donc \[y = -\sqrt{3}x+10\sqrt{3}\]

Les coordonnées de \(P\) se trouvent en résolvant le système d’équations : \begin{align*} \sqrt{3}x &= -\sqrt{3}x+10\sqrt{3} \\ \\ 2 \sqrt{3}x &= 10\sqrt{3} \\ \\ x &= \frac{10\sqrt{3}}{2\sqrt{3}} \\ \\ x &= 5 \end{align*}L’abscisse de \(P\) est \(5\), ce qui, après en tenant compte de la symétrie de la figure, semble évident. L’ordonnée de \(P\) est \begin{align*} y &= \sqrt{3}(5) = -\sqrt{3}(5) + 10\sqrt{5} \\ \\ &= 5\sqrt{3} \end{align*}

 

Par ailleurs, l’équation du cercle de centre \(O_{1}\) est \[x^2 + y^2 = 5^2\]En résolvant le système d’équations formé de l’équation du cercle et de celle de \(PT_{1}\), on obtiendra les coordonnées de \(Q\). En substituant \[y = \sqrt{3}x\]dans \[x^2 + y^2 = 25\]on obtient \[x^2 + \left(\sqrt{3}x\right)^2 = 25\]ce qui fait \begin{align*}x^2 + 3x^2 &=25 \\ \\ 4x^2 &= 25 \\ \\ x^2 &= \frac{25}{4} \\ \\ x &= \pm \frac{5}{2}\end{align*}Le point \(Q\) étant dans le premier quadrant, on conserve la solution positive. L’ordonnée de \(Q\) est \[y = \sqrt{3}\cdot \frac{5}{2} = \frac{5\sqrt{3}}{2}\]Puisque \(5-\frac{5}{2}= \frac{5}{2}\), l’abscisse de \(R\) sera \(5 + \frac{5}{2} = \frac{15}{2}\) et son ordonnée est la même que celle de \(Q\), soit \(\frac{5\sqrt{3}}{2}\), ce qu’on obtiendrait aussi si on avait résolu l’autre système d’équations composé de l’équation de \(PT_{2}\) \[y = -\sqrt{3}x+10\sqrt{3}\]et de celle du cercle de centre \(O_{2}\) \[(x-10)^{2}+y^2 = 25\]

En outre, cela implique que les côtés du triangle mesurent \(5\) cm (comme les rayons des cercles, étonnant !) puisque \[m\overline{QR} = \frac{15}{2}-\frac{5}{2} = \frac{10}{2} = 5\]obtenu en calculant la différence entre les abscisses de \(Q\) et de \(R\). La hauteur issue de \(P\) est donc \[5\sqrt{3}-\frac{5\sqrt{3}}{2}=\frac{10\sqrt{3}}{2}-\frac{5\sqrt{3}}{2} = \frac{5\sqrt{3}}{2}\]obtenu en calculant la différence entre les ordonnées de \(P\) et de \(Q\) (ou \(R\)) et enfin l’aire du triangle est \[\frac{5 \cdot \frac{5\sqrt{3}}{2}}{2} = \frac{25\sqrt{3}}{4} \approx 10,\!82\]cm2.

À vos tables… Prêts ? Résolvez !

Cette histoire commence candidement par la recherche d’une expression équivalente pour \(\tan\!\left(\!\frac{1}{2}\theta\right)\), ce qui est tout à fait légitime car on connaît déjà des formules semblables pour le sinus et le cosinus, et se terminera par la résolution d’équations quadratiques avec des méthodes trigonométriques, méthodes inusuelles tombées en désuétude en même temps que les tables et les règles à calculer.

La tangente du demi-angle

En partant des formules pour l’addition des angles, on peut redécouvrir les expressions analogues pour le sinus et le cosinus. On sait que \[\sin(\alpha + \beta) = \sin(\alpha)\cos(\beta) + \sin(\beta)\cos(\alpha)\]d’où on tire \begin{align*}\sin(2 \alpha) &= \sin(\alpha + \alpha) \\ \\ &=\sin(\alpha)\cos(\alpha) + \sin(\alpha)\cos(\alpha) \\ \\ &= 2\sin(\alpha)\cos(\alpha)\end{align*}En posant \(\alpha = \frac{1}{2}\theta\), on obtient \[\sin(2\alpha) = 2\sin(\alpha)\cos(\alpha)\] \[\sin(\theta) = 2\sin\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)\cos\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)\]ce qui nous permet de tirer \[\sin\!\left(\frac{1}{2}\theta\right) = \frac{\sin(\theta)}{2\cos\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)}\]Une démarche semblable pour le cosinus utilisant la formule \[\cos(\alpha + \beta) = \cos(\alpha)\cos(\beta)-\sin(\alpha)\sin(\beta)\]nous donne \begin{align*}\cos(2\alpha) &= \cos(\alpha + \alpha) \\ \\ &=\cos(\alpha)\cos(\alpha)-\sin(\alpha)\sin(\alpha) \\ \\ &= \cos^{2}(\alpha)-\sin^{2}(\alpha) \\ \\ &= \cos^{2}(\alpha)-\left(1-\cos^{2}(\alpha)\right) \\ \\ &=2\cos^{2}(\alpha)-1\end{align*}Après la même substitution \(\alpha = \frac{1}{2}\theta\), on a \[\cos\left(2\alpha\right) = 2\cos^{2}\left(\alpha\right) -1\] \[\cos(\theta) = 2\cos^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)-1\]ou, en isolant \(\cos^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)\), \[\cos^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right) = \frac{\cos(\theta)+1}{2}\]On a maintenant tous les ingrédients pour trouver une expression pour \(\tan\!\left(\frac{\theta}{2}\right)\).\begin{align*}\tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right) &= \frac{\sin\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)}{\cos\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)} \\ \\ &= \frac{\frac{\sin(\theta)}{2\cos\left(\frac{1}{2}\theta\right)}}{\cos\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)} \\ \\ &= \frac{\sin\left(\theta\right)}{2\cos^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)} \\ \\ &= \frac{\sin\left(\theta\right)}{2\left(\frac{\cos\left(\theta\right)+1}{2}\right)}\\ \\ &= \frac{\sin\left(\theta\right)}{\cos\left(\theta\right) + 1}\end{align*}Joli non ? Déjà armé de notre expression pour \(\cos^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)\), on pourrait être tenté par une expression pour \(\tan^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)\). Après tout, pourquoi pas ? \begin{align*}\tan^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)&=\left(\frac{\sin(\theta)}{\cos(\theta) + 1}\right)^{2} \\ \\ &=\frac{\sin^{2}(\theta)}{\left(\cos(\theta ) + 1\right)^{2}} \\ \\ &=\frac{1-\cos^{2}(\theta)}{\left(\cos(\theta) + 1\right)^{2}} \\ \\ &=\frac{(1-\cos(\theta))(1+\cos(\theta))}{\left(\cos(\theta) + 1\right)^{2}} \\ \\ &= \frac{1-\cos(\theta)}{\cos(\theta) + 1}\end{align*}Ah ! On a le même dénominateur \(\cos(\theta) + 1\) dans les deux expressions, celle pour \(\tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)\) et celle pour \(\tan^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)\). Il est possible d’exprimer l’une en fonction de l’autre. \begin{align*}\tan^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right) &= \frac{1-\cos(\theta)}{\cos(\theta)+1} \\ \\ &= \frac{-2\cos(\theta) + \cos(\theta) + 1}{\cos(\theta) + 1} \\ \\ &= \frac{-2\cos(\theta)}{\cos(\theta) + 1} + \frac{\cos(\theta) + 1}{\cos(\theta) + 1} \\ \\ &= \frac{-2\cos(\theta)}{\cos(\theta) + 1} + 1 \\ \\ &= \frac{-2\cos(\theta)\cdot \sin(\theta)}{\left(\cos(\theta) + 1\right) \cdot \sin(\theta)} + 1 \\ \\ &=\frac{-2\cos(\theta)}{\sin(\theta)} \cdot \frac{\sin(\theta)}{\cos(\theta) + 1} + 1 \\ \\ &= -2\cot(\theta)\cdot \tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right) + 1 \\ \\ &= \frac{-2}{\tan(\theta)}\cdot \tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right) + 1\end{align*}On peut réécrire la dernière ligne comme \[\tan^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right) + \frac{2}{\tan\left(\theta\right)}\cdot \tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)-1 = 0\]ce qui ressemble drôlement à une équation du deuxième degré en \(\tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)\). Ce n’est pas la seule équation de la sorte qui soit possible d’obtenir. On aurait pu aussi faire quelque chose comme \begin{align*}\tan^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right) &= \frac{1-\cos\left(\theta\right)}{\cos\left(\theta\right) + 1} \\ \\ &= \frac{2-\cos(\theta)-1}{\cos(\theta+1)}\\ \\ &=\frac{2-\left(\cos(\theta) + 1\right)}{\cos(\theta) + 1} \\ \\ &= \frac{2}{\cos(\theta) + 1}-\frac{\cos(\theta) + 1}{\cos(\theta) + 1} \\ \\ &= \frac{2}{\cos(\theta) + 1}-1\\ \\ &= \frac{2\cdot \sin(\theta)}{\left(\cos(\theta) + 1\right) \cdot \sin(\theta)}-1 \\ \\ &= \frac{2}{\sin(\theta)} \cdot \frac{\sin(\theta)}{\cos(\theta)+1}-1 \\ \\ &= \frac{2}{\sin(\theta)}\cdot \tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)-1\end{align*}À l’instar de ce qu’on a fait plus tôt, on réécrit \[\tan^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)-\frac{2}{\sin(\theta)}\cdot \tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)+1=0\]

Sans autre explication ou motivation, mes choix pour exprimer \(\tan^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)\) en fonction de \(\tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)\) sont discutables. Après tout, il aurait été beaucoup plus simple d’écrire \begin{align*}\tan^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)&= \frac{1-\cos(\theta)}{\cos(\theta)+1} \\ \\ &= \frac{\sin(\theta)}{\sin(\theta)} \cdot \frac{1-\cos(\theta)}{\cos(\theta) + 1} \\ \\ &= \frac{1-\cos(\theta)}{\sin(\theta)}\cdot \frac{\sin(\theta)}{\cos(\theta)+1} \\ \\ &= \frac{1-\cos(\theta)}{\sin(\theta)}\cdot \tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)\end{align*}Or, la démarche qui nous a permis d’obtenir des expressions quI s’apparentent à des trinômes du deuxième degré n’est définitivement pas le fruit du hasard. Ces équations nous permettent de résoudre… des équations du deuxième degré ! 

Résolution d’équations quadratiques

Armé de nos deux équations \[\tan^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right) + \frac{2}{\tan\left(\theta\right)}\cdot \tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)-1 = 0\] \[\tan^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)-\frac{2}{\sin(\theta)}\cdot \tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)+1=0\]on peut s’attaquer à la résolution d’équations quadratiques. Il y a clairement une ressemblance entre l’équation\[x^2 + bx + c = 0\] et les équations \[\tan^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right) + \frac{2}{\tan\left(\theta\right)}\cdot \tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)-1 = 0\]ou \[\tan^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)-\frac{2}{\sin(\theta)}\cdot \tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)+1=0\]

Laquelle des équations en \(\tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)\) on choisit déprend du signe de \(c\). Si \(c<0\), on utilise \[\tan^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right) + \frac{2}{\tan\left(\theta\right)}\cdot \tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)-1 = 0\]alors que si \(c>0\), on utilise \[\tan^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)-\frac{2}{\sin(\theta)}\cdot \tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)+1=0\]Bon ça va pour le signe, mais une astuce supplémentaire s’impose. On a noté la ressemblance, mais les équations \[x^2 + bx + c = 0\] et  \[\tan^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right) + \frac{2}{\tan\left(\theta\right)}\cdot \tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)-1 = 0\]ou \[\tan^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)-\frac{2}{\sin(\theta)}\cdot \tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)+1=0\] ne sont pas en tout point identiques. Dans les équations trigonométriques, le terme constant est \(1\), pas \(c\). Si on ne fait que diviser \[x^2 + bx + c = 0\]par \(c\), le coefficient de \(x^2\) ne sera plus \(1\) mais \(\frac{1}{c}\) et on frappe une impasse. \[\frac{1}{c}x^2 + \frac{b}{c}x +1 = 0\]La ruse suivante nous permet d’arriver à nos fins : avant de diviser par \(c\), un changement de variable s’impose. Si \(c>0\), on pose \[x = \sqrt{c}z\]sinon, on pose \[x = \sqrt{-c}\,z\]Si \(c>0\), on obtient \[\left(\sqrt{c}z\right)^2 + b\left(\sqrt{c}z\right) + c = 0\] \[cz^{2}+b\sqrt{c}z + c = 0\]Si maintenant on divise par \(c\), on obtient à la fois un terme constant de \(1\) et un coefficient du terme au carré de \(1\) aussi. \[z^2 + \frac{b\sqrt{c}}{c}z + 1 = 0\]Si on préfère, on peut réécrire le terme du milieu comme \[z^2 + \frac{b\sqrt{c} \cdot \sqrt{c}}{c\cdot \sqrt{c}}z + 1 = 0\] \[z^2 + \frac{b}{\sqrt{c}}z + 1 = 0\]Si \(c\) est négatif, on obtient plutôt \begin{align*}\left(\sqrt{-c}\,z\right)^2 + b\left(\sqrt{-c}\,z\right) + c &= 0 \\ \\ -cz^2 + b\sqrt{-c}\,z + c  &= 0 \\ \\ z^{2}+ \frac{b\sqrt{-c}}{-c}z-1 &= 0 \\ \\ z^{2}+\frac{b}{\sqrt{-c}}z-1&=0\end{align*}Un deuxième changement de variable nous permettra de résoudre l’équation. En posant \[\frac{b}{\sqrt{c}} = -\frac{2}{\sin(\theta)}\]ou \[\frac{b}{\sqrt{-c}} = \frac{2}{\tan\left(\theta\right)}\]selon le signe de \(c\), il sera possible ensuite de trouver les valeurs de \(z\) avec \[z = \tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)\]

Des exemples !

Lorsque \(c>0\)

Lorsque \(c>0\), on sait que les deux solutions à l’équation quadratique seront toutes les deux positives ou toutes les deux négatives. Et c’est \[\tan^{2}\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)-\frac{2}{\sin(\theta)}\cdot \tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)+1=0\]qu’on utilise.

Résolvons \[x^{2}-8x+15=0\]Notons que puisque \(c = 15>0\) et \(b = -18<0\), les deux solutions seront des nombres positifs. Puisque \(15>0\), on effectue d’abord le changement de variable \[x = \sqrt{15}z\]pour obtenir \begin{align*}\left(\sqrt{15}z\right)^{2}-8\left(\sqrt{15}z\right) + 15 &= 0 \\ \\ 15z^{2}-8\sqrt{15}z + 15 &=0\end{align*}On divise chaque côté par \(15\) \[z^{2}-\frac{8\sqrt{15}}{15}z + 1 =0\] \[z^{2}-\frac{8}{\sqrt{15}}z + 1=0\]On pose ensuite \[-\frac{8}{\sqrt{15}}=-\frac{2}{\sin(\theta)}\]On résout \begin{align*}-\frac{8}{\sqrt{15}}&=-\frac{2}{\sin(\theta)} \\ \\ \frac{4}{\sqrt{15}}&=\frac{1}{\sin(\theta)} \\ \\ \sin(\theta)&=\frac{\sqrt{15}}{4}\end{align*}J’obtiens \begin{align*}\theta &= \arcsin\!\left(\frac{\sqrt{15}}{4}\right) \\ \\ &\approx 1,\!318116\end{align*}Je peux trouver l’autre angle avec \begin{align*}\theta &= \pi-\arcsin\!\left(\frac{\sqrt{15}}{4}\right) \\ \\ &\approx \pi-1,\!318116 \\ \\ &\approx 1,\!823477\end{align*}Puisque \[z = \tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)\]Je trouve \begin{align*}z&\approx \tan\!\left(\frac{1}{2}\cdot 1,\!318116\right) \\ \\ &\approx \tan\left(0,\!659058\right) \\ \\ &\approx 0,\!774597\end{align*}dans le premier cas et \begin{align*}z&\approx \tan\!\left(\frac{1}{2}\cdot 1,\!823477\right) \\ \\ &\approx \tan\left(0,\!911738\right) \\ \\ &\approx 1,\!290994\end{align*}dans le deuxième. Un dernier changement de variable est nécessaire. Puisque \[x = \sqrt{15}z\]on trouve \begin{align*}x &\approx \sqrt{15}\cdot 0,\!774597 \\ \\ &\approx 3\end{align*}pour la première solution et \begin{align*}x &\approx \sqrt{15}\cdot 1,\!290994 \\ \\ &\approx 5\end{align*}On peut s’assurer, après substitutions, que les deux solutions à l’équation initiale sont bel et bien \(x=3\) et \(x=5\).

 

Si on résout plutôt \[x^2 + 14x + 45 = 0\]en observant que \(b = 14 >0\) et \(c = 45>0\), ici on sait que les deux solutions seront négatives. En effectuant les substitutions d’usage, on obtient d’abord \[z^2 + \frac{14}{\sqrt{45}}z + 1 = 0\]ce qui nous mène à \begin{align*}\theta &= \arcsin\!\left(-\frac{\sqrt{45}}{7}\right) \\ \\ &\approx -1,\!281044\end{align*}et \begin{align*}\theta &=\pi-\arcsin\!\left(-\frac{\sqrt{45}}{7}\right)  \\ \\ &\approx 4,\!422637\end{align*}On obtient \[z \approx 0,\!745356\]ou \[z \approx -1,\!341641\]et \begin{align*}x &\approx \sqrt{45} \cdot -0,\!745356 \\ \\ &\approx -5\end{align*}et \begin{align*}x &\approx \sqrt{45}\cdot -1,\!341641 \\ \\ &\approx -9\end{align*}ce qui s’avère, après vérifications, être effectivement les solutions à l’équation.

Lorsque \(c<0\)

On peut aussi s’intéresser au cas où \(c<0\). Le lecteur aguerri peut se demander comment on fera pour trouver deux angles qui ont la même tangente. En fait, puisque la période de \(\tan\left(\theta\right)\) est \(\pi\) et celle de \(\tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)\) est \(2\pi\), il suffira d’additionner ou de soustraire \(\pi\) à l’angle donné par l’arctangente.

\(\textcolor{Red}{\tan\left(\theta\right)}\) en rouge et \(\textcolor{Blue}{\tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)}\) en bleu

Résolvons \[x^{2}+x-6=0\]Notons que puisque \(c=-6>0\), les deux solutions seront de signes contraires. Puisque \(-6<0\), on effectue d’abord le changement de variable \[x = \sqrt{-(-6)}z = \sqrt{6}z\]pour obtenir \begin{align*}\left(\sqrt{6}z\right)^{2}+\left(\sqrt{6}z\right) -6 &= 0 \\ \\ 6z^{2}+\sqrt{6}z-6&=0\end{align*}On divise chaque côté par \(6\) \[z^{2}+\frac{\sqrt{6}}{6}z-1 =0\] \[z^{2}+\frac{1}{\sqrt{6}}z-1=0\]On pose ensuite \[\frac{1}{\sqrt{6}}=\frac{2}{\tan(\theta)}\]On résout \begin{align*}\frac{1}{\sqrt{6}}&=\frac{2}{\tan(\theta)} \\ \\ \tan(\theta)&=2\sqrt{6}\end{align*}J’obtiens \begin{align*}\theta &= \arctan\left(2\sqrt{6}\right) \\ \\ &\approx 1,\!369438\end{align*}Je peux trouver l’autre angle avec \begin{align*}\theta &= \arctan\!\left(2\sqrt{6}\right)-\pi \\ \\ &\approx 1,\!369438-\pi \\ \\ &\approx -1,\!772154\end{align*}Puisque \[z = \tan\!\left(\frac{1}{2}\theta\right)\]Je trouve \begin{align*}z&\approx \tan\!\left(\frac{1}{2}\cdot 1,\!369438\right) \\ \\ &\approx \tan\left(0,\!684719\right) \\ \\ &\approx 0,\!816497\end{align*}dans le premier cas et \begin{align*}z&\approx \tan\!\left(\frac{1}{2}\cdot (-1,\!772154)\right) \\ \\ &\approx \tan\left(-0,\!886077\right) \\ \\ &\approx -1,\!224745\end{align*}dans le deuxième. Un dernier changement de variable est nécessaire. Puisque \[x = \sqrt{6}z\]on trouve \begin{align*}x &\approx \sqrt{6}\cdot 0,\!816497 \\ \\ &\approx 2\end{align*}pour la première solution et \begin{align*}x &\approx \sqrt{6}\cdot (-1,\!224745) \\ \\ &\approx -3\end{align*}On peut s’assurer, après substitutions, que les deux solutions à l’équation initiale sont bel et bien \(x=2\) et \(x=-3\).

De l’utile au futile

Quel intérêt me direz-vous ? D’abord parce que ce n’est pas tous les jours qu’on a le plaisir de pouvoir écrire quelque chose comme \[x = \sqrt{c}\tan\!\left(\frac{1}{2}\arcsin\!\left(-\frac{2\sqrt{c}}{b}\right)\right)\] au lieu de \[x = \frac{-b+\sqrt{b^{2}-4c}}{2}\]Pour ma part, je trouve l’exercice fort captivant. Ensuite, de manière plus pragmatique, il semble que ces méthodes étaient plus en vogue lorsqu’il fallait chercher les valeurs des fonctions trigonométriques (ainsi que celles des logarithmes et des racines) dans les livres de tables et qu’il fallait effectuer les opérations à la règle à calcul. Bien que cela peut sembler complètement farfelu aujourd’hui, en théorie, dans certains cas, la méthode trigonométrique nécessite moins d’opérations et de recherches dans les tables que la méthode traditionnelle (jusqu’à 1/3 de recherches en moins), par exemple lorsque les coefficients sont des nombres décimaux du genre \[x^{2}-0,\!9751+ 0,\!2352=0\]et on dit qu’elle lui était parfois préférée pour cette raison.

Références : https://en.wikipedia.org/wiki/Quadratic_equation

Une méthode pour les remplacer toutes…

Un Anneau pour les gouverner tous [1]

Les élèves de quatrième et cinquième secondaire ont régulièrement à trouver l’équation d’une fonction quadratique, que cela soit sous la forme générale, \[f(x) = ax^{2}+bx+c\]la forme canonique, \[f(x) = a(x-h)^{2}+k\]ou, dans certains cas, la forme factorisée, \[f(x) = a(x-x_{1})(x-x_{2})\]Il est normal de choisir la forme selon les données fournies dans le problème. Si on connaît les deux zéros de la fonction et un autre couple appartenant à la fonction, la forme factorisée est préférée. Si on connaît le couple qui contient l’extrémum de la fonction et un autre couple appartenant à la fonction, c’est la forme canonique qui est préférée.

Petit aparté : il y a souvent une confusion entre la fonction et ses représentations, en particulier sa représentation graphique. La représentation graphique d’une fonction quadratique est une parabole. Ainsi, « connaître le couple qui contient l’extrémum de la fonction et un autre couple appartenant à la fonction », revient à « connaître les coordonnées du sommet de la parabole qui représente la fonction quadratique dans le plan cartésien ainsi que les coordonnées d’un autre point sur cette parabole ». Un petit abus de langage plus tard et on laisse tomber « qui représente la fonction quadratique ». Un autre plus tard et on obtient : « le sommet de la fonction quadratique ». Vous m’excuserez si jamais je me rends coupable de tels abus de langage plus loin dans le texte.

Il existe aussi d’autres cas, dans lesquels on doit parfois résoudre des systèmes d’équations à deux inconnues. Par exemple, si on connaît deux couples possédant la même ordonnée et un autre couple appartenant à la fonction, on peut déduire l’abscisse \(h\) du sommet de la parabole et utiliser la forme canonique ; on résout ensuite le système d’équations linéaires à deux variables pour trouver les valeurs de \(a\) et \(k\).

Tous ces cas sont couverts dans les manuels ou les ressources en ligne, par exemple ici.

Absent de cette liste est le cas où on connaît trois couples quelconques appartenant à la fonction : quelconque voulant dire ici qu’on ne connaît ni les zéros, ni l’ordonnée à l’origine, ni l’extrémum, etc. Dans ce cas, il faut résoudre un système d’équations à trois inconnues \(a\), \(b\) et \(c\) en utilisant la forme générale. Puisque de tels systèmes à trois inconnues ne sont pas au programme de quatrième ni de cinquième secondaire, ce cas n’est habituellement pas abordé en classe. 

 

Un exemple

Quelle est l’équation de la fonction quadratique possédant les couples suivants : \[(2, -10)\qquad (5, -16) \qquad (11, 80)\]

On remplace trois fois dans \(f(x) = ax^{2}+ bx + c\) : \begin{align*}-10 &=a(2)^{2} + b(2) + c \\ \\ -16 &= a(5)^{2} + b(5) + c \\ \\ 80 &= a(11)^{2} + b(11) + c\end{align*}ce qui fait \begin{align*}-10&=4a + 2b + c  \\ \\ -16 &=25a + 5b + c \\ \\ 80 &= 121a + 11b + c \end{align*}L’astuce, puisque le coefficient de \(c\) et \(1\) dans chaque équation, est de soustraire l’une des équations aux deux autres. Par exemple, si on soustrait la première aux deux autres, on obtient \begin{align*}-10 &= 4a + 2b + c \\ \\ -6 &= 21a + 3b \\ \\ 90 &= 117a + 9b \end{align*}On se concentre ensuite sur les deux dernières équations. Dans ce cas particulier, si on divise la première par \(3\) et la deuxième par \(9\), on obtient \begin{align*}-2&=7a + b \\ \\ 10 &=13a + b\end{align*}Les coefficients de \(b\) étant tous les deux \(1\), soustraire la première à la deuxième nous permet d’obtenir la valeur de \(a\) : \[12 = 6a\] et donc \[2 = a\]On remplace ensuite dans l’une ou l’autre des équations pour trouver la valeur de \(b\) : \[-2 = 7(2) + b\] ce qui fait \[-16 = b\] ou \[10 = 13(2) + b\] ce qui fait aussi, sans surprise, \[-16 = b\]Enfin, on utilise l’une des équations de départ et on calcule \begin{align*}-10 &= 4(2) + 2(-16) + c \\ \\ -10 &= 8 + (-32) + c\end{align*}pour obtenir \[c = 14\]L’équation est donc \[f(x) = 2x^{2}-16x+14\]

Voilà donc pour la postérité ! L’utilisation des matrices, aux niveaux supérieurs, allège bien sûr la tâche et simplifie l’écriture, mais il n’en reste pas moins que l’exercice est un peu fastidieux.

La méthode

Pourtant, nul besoin de résoudre de tels systèmes à plusieurs inconnues. À la rigueur, nul besoin, même, des autres cas. En effet, il suffit simplement… d’écrire l’équation. Directement. Ah oui ? 

Reprenons. 

Quelle est l’équation de la fonction quadratique possédant les couples suivants : \[(2, -10)\qquad (5, -16) \qquad (11, 80)\]

Puisqu’il s’agit d’une fonction quadratique, son équation peut être exprimée avec un polynôme du deuxième degré. Celui-ci peut être le résultat d’un produit de deux facteurs du premier degré ou d’une somme de produits d’au plus deux facteurs du premier degré. Soit. On peut construire l’équation de la manière suivante. On cherchera trois termes. \[f(x) = \ \dots \ + \ \dots \ + \ \dots\]D’abord, on écrit \[f(x) = \ ? \cdot \frac{(x-5)(x-11)}{?} \ + \ ?\cdot \frac{(x-2)(x-11)}{?} \ + \ ?\cdot \frac{(x-2)(x-5)}{?}\]Il est évident que si \(x=2\), les deux derniers termes sont nuls, seul le premier terme subsiste. De manière analogue, si \(x = 5\), ce sont le premier et le dernier terme qui sont nuls, mais pas le deuxième, alors que si \(x = 11\), ce sont les deux premiers termes qui sont nuls, mais pas le dernier ! On complète le premier terme de cette manière : si \(x\) prend la valeur de \(2\), on voudrait que le premier terme non-nul soit \(-10\). Or, \[2-5 = -3\] et \[2-11 = -9\]Ainsi, le premier terme sera \[f(x) = -10\cdot \frac{(x-5)(x-11)}{(-3)(-9)}\ + \ ?\cdot \frac{(x-2)(x-11)}{?} \ + \ ?\cdot \frac{(x-2)(x-5)}{?}\]Je construis le deuxième et le troisième terme de la même manière. Si \(x=5\), on voudrait que le deuxième terme soit \(-16\). Or, \[5-2 = 3\] et \[5-11 = -6\]On obtient \[f(x) = -10\cdot \frac{(x-5)(x-11)}{(-3)(-9)}\ + \ (-16)\cdot \frac{(x-2)(x-11)}{(3)(-6)} \ + \ ?\cdot \frac{(x-2)(x-5)}{?}\]Enfin, si \(x=11\), on voudrait que le troisième terme soit \(80\). Sachant que \[11-2 = 9\] et \[11-5 = 6 \] on obtient \[f(x) = -10\cdot \frac{(x-5)(x-11)}{(-3)(-9)} + (-16) \cdot \frac{(x-2)(x-11)}{(3)(-6)}  + 80 \cdot \frac{(x-2)(x-5)}{(9)(6)}\]Voilà ! C’est tout ! Cela nous assure que \begin{align*}f(2) &= -10\cdot \frac{(2-5)(2-11)}{(-3)(-9)} + (-16) \cdot \frac{(2-2)(2-11)}{(3)(-6)}  + 80 \cdot \frac{(2-2)(2-5)}{(9)(6)} \\ \\ &= -10 \cdot \frac{(-3)(-9)}{(-3)(-9)} + 0  + 0  \\ \\ &=  -10 \cdot 1 + 0 + 0 \\ \\ &= -10 \\ \\ \\ \\ f(5) &= -10\cdot \frac{(5-5)(5-11)}{(-3)(-9)} + (-16) \cdot \frac{(5-2)(5-11)}{(3)(-6)}  + 80 \cdot \frac{(5-2)(5-5)}{(9)(6)} \\ \\ &= 0 + (-16) \cdot \frac{(3)(-6)}{(3)(-6)}  + 0\\ \\ &= 0 + (-16)\cdot 1 + 0 \\ \\ &=-16 \\ \\ \\ \\ f(11) &= -10\cdot \frac{(11-5)(11-11)}{(-3)(-9)} + (-16) \cdot \frac{(11-2)(11-11)}{(3)(-6)}  + 80 \cdot \frac{(11-2)(11-5)}{(9)(6)} \\ \\ &= 0 + 0  + 80 \cdot \frac{(9)(6)}{(9)(6)} \\ \\ &= 0 + 0 + 80\cdot 1 \\ \\ &= 80\end{align*}et que le résultat sera un polynôme du deuxième degré. De petits calculs additionnels nous permettent d’écrire : \begin{align*}f(x) &= -10\cdot \frac{(x-5)(x-11)}{(-3)(-9)} + (-16) \cdot \frac{(x-2)(x-11)}{(3)(-6)}  + 80 \cdot \frac{(x-2)(x-5)}{(9)(6)} \\ \\ &= -10\cdot \frac{(x-5)(x-11)}{27} + (-16)\cdot \frac{(x-2)(x-11)}{-18} + 80 \cdot\frac{(x-2)(x-5)}{54} \\ \\ &= -\frac{10}{27}(x-5)(x-11)+\frac{8}{9}(x-2)(x-11) + \frac{40}{27}(x-2)(x-5)\end{align*}

D’ailleurs, \begin{align*}f(x) &=-\frac{10}{27}(x-5)(x-11)+\frac{8}{9}(x-2)(x-11) + \frac{40}{27}(x-2)(x-5) \\ \\ \\ &= -\frac{10}{27}\left(x^{2}-16x + 55\right) + \frac{24}{27}\left(x^{2}-13x + 22\right) + \frac{40}{27}\left(x^{2}-7x + 10\right) \\ \\ \\ &= \frac{-10x^{2}+160x-550 + 24x^{2}-312x + 528 + 40x^{2}-280x+400}{27} \\ \\ \\ &= \frac{54x^{2}-432x+378}{27} \\ \\ \\ &=2x^{2}-16x+14\end{align*}ce qu’on avait trouvé plus tôt. Dans certains problèmes, il n’est souvent pas nécessaire d’effectuer les dernières étapes afin d’obtenir une des trois formes mentionnées au début du billet (ici la forme générale) : parfois on cherche simplement la valeur de la fonction pour certaines valeurs de \(x\). Il suffit alors de remplacer et calculer.

En général, pour la fonction quadratique …

Ainsi, si les couples \[(x_1,\, y_1) \qquad (x_2,\, y_2) \qquad (x_3, \, y_3)\]appartiennent à la fonction quadratique \(f\), alors \[f(x) = \frac{y_{1}(x-x_2)(x-x_3)}{(x_{1}-x_{2})(x_{1}-x_{3})} + \frac{y_{2}(x-x_{1})(x-x_{3})}{(x_{2}-x_{1})(x_{2}-x_{3})} + \frac{y_{3}(x-x_{1})(x-x_{2})}{(x_{3}-x_{1})(x_{3}-x_{2})}\] 

… et peu importe le degré

Sans surprise, la méthode s’applique sans grande modification aux fonctions polynomiales de degrés quelconques. Elle fonctionne aussi bien pour les fonctions affines que pour les fonction polynomiales de degrés supérieurs à deux.

Un exemple (bis) : une fonction cubique

Quelle est l’équation de la fonction cubique possédant les couples 

\[(-3, \, -1) \qquad (-2,\, 2) \qquad (1, \, -5) \qquad (3, \, 37) \ \  ?\]

Un petit instant de réflexion nous permet d’écrire directement

\begin{align*}f(x) = &\phantom{\ +}\, (-1) \cdot \frac{(x+2)(x-1)(x-3)}{(-1)(-4)(-6)} \\ \\ &+ 2\cdot \frac{(x+3)(x-1)(x-3)}{(1)(-3)(-5)} \\ \\ &+ (-5) \cdot \frac{(x+3)(x+2)(x-3)}{(4)(3)(-2)} \\ \\ &+ 37\cdot \frac{(x+3)(x+2)(x-1)}{(6)(5)(2)}\end{align*}

Génial non ? 

À l’instar de ce qu’on a fait plus tôt avec la fonction quadratique, on trouve l’équation d’une fonction cubique possédant les couples \((x_1, \, y_1)\), \((x_2, \, y_2)\), \((x_3, \, y_3)\) et \((x_4, \, y_4)\). On obtient \begin{align*}f(x) = &\phantom{\ +}\, \frac{y_1(x-x_2)(x-x_3)(x-x_4)}{(x_1-x_2)(x_1-x_3)(x_1-x_4)} \\ \\ &+ \frac{y_2(x-x_1)(x-x_3)(x-x_4)}{(x_2-x_1)(x_2-x_3)(x_2-x_4)} \\ \\ &+ \frac{y_3(x-x_1)(x-x_2)(x-x_4)}{(x_3-x_1)(x_3-x_2)(x_3-x_4)} \\ \\ &+ \frac{y_4(x-x_1)(x-x_2)(x-x_3)}{(x_4-x_1)(x_4-x_2)(x_4-x_3)}\end{align*}

La fonction affine

En utilisant la même méthode, on peut trouver l’équation de la fonction affine possédant les couples \((x_1, \, y_1)\) et \((x_2, \, y_2)\).

\[f(x) = \frac{y_{1}(x-x_{2})}{(x_{1}-x_{2})} + \frac{y_{2}(x-x_{1})}{(x_{2}-x_{1})}\]ce qui est un peu différent (mais parfaitement équivalent) à la forme trouvée en utilisant le taux de variation \(a = \frac{y_{2}-y_{1}}{x_{2}-x_{1}}\) et en résolvant ensuite pour trouver la valeur de \(b\) dans \[f(x) = ax + b\]

Enfin… toutes ! 

Waring, Euler et Lagrange [2]

Il est possible de généraliser davantage. On considère une fonction polynomiale de degré \(n\) définie par \(n + 1\) couples \((x_{i}, \, y_{i})\). Encore une fois, un petit moment de réflexion nous permet de déduire que \[f(x) = \sum_{i = 1}^{n+1}\left(y_{i}\cdot\prod_{\substack{j = 1\\ j\neq i}}^{n+1}\frac{x-x_{j}}{x_{i}-x_{j}}\right)\]ou, si on veut éviter la notation \(\prod\), \[f(x) = \sum_{i=1}^{n+1}\frac{y_{i}(x-x_{1})(x-x_{2}) \ \cdot \ \dots \ \cdot (x-x_{i-1})(x-x_{i+1}) \ \cdot \ \dots \ \cdot (x-x_{n+1})}{(x_{i}-x_{1})(x_{i}-x_{2}) \ \cdot \ \dots \ \cdot (x_{i}-x_{i-1})(x_{i}-x_{i+1}) \ \cdot \ \dots \ \cdot (x_{i}-x_{n+1})}\]ou, encore, si on veut en plus éviter la notation \(\sum\), \begin{align*}f(x) = &\phantom{\ +}\, \frac{y_{1}(x-x_{2})(x-x_{3}) \ \cdot \ \dots \ \cdot (x-x_{n+1})}{(x_{1}-x_{2})(x_{1}-x_{3}) \ \cdot \ \dots \ \cdot  (x_{1}-x_{n+1})} \\ \\ &+ \frac{y_{2}(x-x_{1})(x-x_{3}) \ \cdot \ \dots \ \cdot (x-x_{n+1})}{(x_{2}-x_{1})(x_{2}-x_{3}) \ \cdot \ \dots \ \cdot  (x_{2}-x_{n+1})} \\ \\ &+ \ \dots \\ \\ &+ \frac{y_{i}(x-x_{1})(x-x_{2}) \ \cdot \ \dots \ \cdot (x-x_{i-1})(x-x_{i+1}) \ \cdot \ \dots \ \cdot (x-x_{n+1})}{(x_{i}-x_{1})(x_{i}-x_{2}) \ \cdot \ \dots \ \cdot (x_{i}-x_{i-1})(x_{i}-x_{i+1}) \ \cdot \ \dots \ \cdot (x_{i}-x_{n+1})} \\ \\ &+ \ \dots \\ \\ &+ \frac{y_{n+1}(x_{n+1}-x_{1})(x_{n+1}-x_{2}) \ \cdot \ \dots \ \cdot (x_{n+1}-x_{n})}{(x_{n+1}-x_{1})(x_{n+1}-x_{2}) \ \cdot \ \dots \ \cdot (x_{n+1}-x_{n})}\end{align*}Le lecteur initié aura reconnu qu’il s’agit d’un polynôme de Lagrange.

Un petit problème

En terminant, pour s’amuser un peu, tout cette discussion m’a fait pensé à ce petit problème de Jean-Paul Delahaye, paru dans le magazine Accromath, Volume 13.2 – été-automne 2018 [3]

Considérons l’équation suivante : 

\[\frac{(x-a)(x-b)}{(c-a)(c-b)} + \frac{(x-b)(x-c)}{(a-b)(a-c)} + \frac{(x-a)(x-c)}{(b-a)(b-c)} = 1\]

Le membre de gauche est une somme de termes qui sont eux-mêmes des produits de deux facteurs du premier degré. Si on développe, on devrait obtenir un trinôme du deuxième degré. Cette équation ne devrait avoir au maximum que deux solutions. Pourtant, lorsque \(x = a\), on a \begin{align*}\frac{(a-a)(a-b)}{(c-a)(c-b)} + \frac{(a-b)(a-c)}{(a-b)(a-c)} + \frac{(a-a)(a-c)}{(b-a)(b-c)} &= 1 \\ \\ 0 + 1 + 0 &= 1 \\ \\ 1&=1\end{align*}De la même manière, si \(x = b\), \begin{align*}\frac{(b-a)(b-b)}{(c-a)(c-b)} + \frac{(b-b)(b-c)}{(a-b)(a-c)} + \frac{(b-a)(b-c)}{(b-a)(b-c)} &= 1 \\ \\ 0 + 0 + 1 &= 1 \\ \\ 1&=1\end{align*}et si \(x = c\), \begin{align*}\frac{(c-a)(c-b)}{(c-a)(c-b)} + \frac{(c-b)(c-c)}{(a-b)(a-c)} + \frac{(c-a)(c-c)}{(b-a)(b-c)} &= 1 \\ \\ 1 + 0 + 0 &= 1 \\ \\ 1&=1\end{align*}Il y a trois solutions : \(a\), \(b\) et \(c\) ! Comment cela est-il possible ? 

Annexe

Autre petit aparté : l’étude des fonctions, en particulier des fonctions quadratiques, n’est pas toujours facile pour les élèves. Certains se sentent rassurés lorsqu’ils utilisent des méthodes familières, à la rigueur routinières. D’autres préfèrent utiliser des formules.

Exemple typique :

Tracer la parabole d’équation \[y =2(x-8)(x+4)+54\]

Comme la forme de l’équation ne correspond à aucune des trois mentionnées ci-dessus, l’approche privilégiée dans les manuels serait de transformer l’équation en l’une des trois formes, de préférence la forme canonique, pour tracer la parabole. On peut y arriver en effectuant quelques étapes algébriques. D’abord, \begin{align*}y&=2(x-8)(x-4)+54 \\ \\ &=2(x^{2}-8x+4x-32)+54 \\ \\ &= 2(x^{2}-4x-32)+54\end{align*}Il est à noter que plusieurs élèves continueraient ici à développer jusqu’à la forme générale. C’est inutile. On complète le carré : \begin{align*}y&=2(x^{2}-4x+4-4-32)+54 \\ \\ &=2((x-2)^{2}-4-32)+54 \\ \\ &=2((x-2)^{2}-36)+54 \\ \\ &= 2(x-2)^{2}-72+54 \\ \\ &=2(x-2)^{2}-18\end{align*}

Le sommet de la parabole est donc en \((2, \, -18)\) et la parabole est ouverte vers le haut car \(a>0\).  On peut ensuite calculer les zéros et l’ordonnée à l’origine pour un peu plus de précision.

Alternative : Nul besoin de compléter le carré ! [4] Clairement, on voit en examinant l’équation sous cette forme\[y =2(x-8)(x+4)+54\]que \[f(8) = f(-4) = 54\]Puisque la parabole possède un axe de symétrie qui passe par son sommet, les points \((8, \, 54)\) et \((-4, \, 54)\) sont situés à la même distance de part et d’autre de cet axe. On peut déduire l’abscisse du sommet est \[\frac{8 + (-4)}{2} = 2\]L’ordonnée du sommet est donnée par \begin{align*}y &= 2(2-8)(2+4)+54 \\ \\ &=2(-6)(6) + 54 \\ \\ &=-72 + 54 \\ \\ &=-18\end{align*}La parabole a pour sommet \((2, \, -18)\) et elle est ouverte vers le haut ; en prime, on sait qu’elle passe par \((8, \, 54)\) et \((-4, \, 54)\). On peut calculer l’ordonnée à l’origine facilement pour plus de précision.

[1] https://commons.wikimedia.org/wiki/File:One_Ring_Blender_Render.png

[2] https://commons.wikimedia.org/wiki/File:%D0%9B%D0%B0%D0%B3%D1%80%D0%B0%D0%BD%D0%B6.jpg

[3] Vous pouvez trouver l’original ici : https://accromath.uqam.ca/wp-content/uploads/2018/09/Paradoxes_13_2.pdf

[4] La complétion du carré en fait trembler plusieurs. Il est pourtant essentiel qu’ils la maîtrisent pour la suite. Le but n’est pas d’éviter à tout prix la complétion du carré, mais d’encourager la compréhension de ce qu’implique l’équation, peu importe la forme.