Partage équitable

Saviez-vous que dans un triangle, il existe toujours au moins une droite qui partage le périmètre et l’aire en deux parties égales en même temps ?

L’aire

On considère un point \(P\) dans un triangle \(ABC\) quelconque. Soit une droite qui passe par \(P\) et qui divise le triangle en deux régions. Sur le schéma ci-dessous, on a colorié les deux régions en rouge et en vert. On pose \(K\) l’aire du triangle \(ABC\). L’aire du triangle rouge est \(rK\) et celle du quadrilatère vert est \(\left(1-r\right) K\) avec, bien entendu, \(0<r<1\). Si les deux régions, la rouge et la verte, ont la même aire, c’est-à-dire si \(r  = 1-r = \frac{1}{2}\), alors on a gagné ! Cette droite fait l’affaire, inutile de cherche plus loin !thedudeminds_2015082602

Si les deux régions n’ont pas la même aire, comme c’est fort probablement le cas, voici comment on procède [1]. On effectue la rotation (par exemple, antihoraire) de la droite, autour du point \(P\). Lorsque la droite tourne autour du point \(P\), les aires changent. Si l’aire de la région rouge change, passant de \(rK\) à \(r_{1}K\), celle de la verte change aussi, passant de \(\left(1-r\right)K\) à \(\left(1-r_{1}\right)K\).thedudeminds_2015082603

Qu’arrive-t-il à la valeur de \(r\) lorsque la droite effectue un demi-tour ? Les régions rouge et verte s’intervertissent leur rôle. La droite étant envoyée sur elle-même grâce à la rotation de 180° de centre \(P\), la région rouge, initialement d’aire \(rK\), devient la région d’aire \(\left(1-r\right)K\), et vice-versa pour la région verte (initialement d’aire \(\left(1-r\right)K\), elle devient la région d’aire \(rK\)). Si \(r\) est au départ inférieur à \(\frac{1}{2}\), alors \(1-r\) est supérieur à \(\frac{1}{2}\) et, réciproquement, si \(r\) est au départ supérieur à \(\frac{1}{2}\), alors \(1-r\) est inférieur à \(\frac{1}{2}\). En passant de manière continue de \(r\) à \(r-1\), la valeur intermédiaire de \(\frac{1}{2}\) est certainement atteinte.

Le périmètre

Un raisonnement semblable peut être appliqué pour trouver une droite qui divise le périmètre en deux parties de même longueur.thedudeminds_2015082604

En effectuant la rotation de la droite autour du point \(P\), les segments rouges et verts s’intervertissent leur rôle.thedudeminds_2015082605

Il est donc possible de trouver une droite qui divise le périmètre en deux parties de même longueur pour une certaine position intermédiaire. On note cependant qu’il ne s’agit pas, en général, de la même droite qui divise aussi l’aire en deux régions de même aire. On note aussi au passage que cet argument peut s’appliquer à n’importe quel polygone convexe, pas seulement au triangle !

L’aire et le périmètre, en même temps.

Voici donc comment trouver une droite qui divise l’aire et le périmètre en même temps. On commence par trouver une droite qui divise le périmètre en utilisant, par exemple, la méthode décrite ci-dessus. Dans le triangle \(ABC\) ci-dessous, d’aire \(K\), on considère une telle droite \(QR\). Cette droite divise le triangle en deux régions, une à gauche de la droite, d’aire \(rK\), et l’autre à droite de la droite, d’aire \(\left(1-r\right)K\).thedudeminds_2015082606

Si la droite \(QR\) divise aussi l’aire du triangle, c’est-à-dire si \(r = 1-r = \frac{1}{2}\), on a gagné ! La droite \(QR\) fait l’affaire. Si ce n’est pas le cas, et ce n’est probablement pas le cas, on détermine un sens à la rotation, par exemple antihoraire, et on déplace \(Q\) sur le périmètre du triangle sur d’une distance \(\delta\) jusqu’à \(Q_{1}\). Pour que la droite partage toujours le périmètre, on déplace aussi \(R\) sur le périmètre du triangle, dans le même sens, sur une distance de \(\delta\) jusqu’en \(R_{1}\). thedudeminds_2015082608

La nouvelle droite \(Q_{1}R_{1}\) partage toujours le périmètre, tout comme la droite \(QR\) originale. Qu’arrive-t-il si on prend le demi-périmètre du triangle comme valeur de \(\delta\) ? Le point \(R\) est envoyé en \(Q\) et vice-versa. La région à gauche de la droite se retrouve à droite de celle-ci et vice-versa. Autrement dit, l’aire de la région qui était au départ à gauche est passée de \(rK\) à \(\left(1-r\right)K\). L’aire de la région qui était au départ à droite est passée de \(\left(1-r\right)K\) à \(rK\). Si \(r < \frac{1}{2}\), alors \(1-r > \frac{1}{2}\) et si \(r > \frac{1}{2}\) alors \(1-r < \frac{1}{2}\). Les deux régions s’intervertissent leur rôle et, comme dans l’explication précédente, on peut conclure qu’il existe une position intermédiaire (une valeur de \(\delta\)) pour laquelle les deux régions possèdent la même aire (\(r = 1-r = \frac{1}{2}\)). Voilà !

Sur le nombre de ces droites dans les triangles

Dans un triangle il y a peut-être plus d’une droite qui partage le périmètre et l’aire. Dans un triangle \(ABC\), de côtés \(a\), \(b\), \(c\) avec \(a < b < c\), il y a une, deux ou trois de ces droites, respectivement, si \(\left(a + b + c\right)^{2}< 2bc\), \(\left(a + b + c\right)^{2}= 2bc\) ou \(\left(a + b + c\right)^{2}> 2bc\).

On considère un triangle \(PQR\), de côtés \(p\), \(q\), \(r\) et une droite coupant les côtés de l’angle \(P\), à une distance \(\theta q\) de \(P\) sur le côté de mesure \(q\) et une distance \(\theta_{1} r\) de \(P\) sur le côté de mesure \(r\). Cette droite partage le périmètre et l’aire, on a ici \(\theta\), \(\theta_1 < 1\). L’inégalité est stricte, sans quoi la droite considérée passe par un sommet, et pour diviser l’aire il faudrait qu’il s’agisse d’une médiane. Or, puisque le triangle est scalène, la médiane ne partage pas le périmètre (on considérera les triangles équilatéraux et isocèles plus tard).thedudeminds_2015082609

Si la droite partage l’aire en deux parties égales, alors on a \begin{align*}\frac{\theta q \cdot \theta_1 r \cdot \sin\left(P\right)}{2} &= \frac{1}{2}\left( \frac{q \cdot r \cdot \sin\left(P\right)}{2}\right) \\ \\ \theta \cdot \theta_1 \left(\frac{q \cdot r \cdot \sin\left(P\right)}{2}\right) &= \frac{1}{2}\left(\frac{q \cdot r \cdot \sin\left(P\right)}{2}\right) \\ \\ \theta \cdot \theta_1 &= \frac{1}{2} \end{align*} ou, de manière équivalente, \[\theta_1 = \frac{1}{2\theta}\]On note ici qu’il suffit de considérer les valeurs de \(\theta\), \(\theta_1 > \frac{1}{2}\). En combinant les deux restrictions, on s’intéresse aux valeurs de \(\theta\) et \(\theta_{1}\) telles que \[\frac{1}{2}< \theta<1\]et \[\frac{1}{2}< \theta_{1}< 1\]

D’autre part, si la droite partage le périmètre, alors on a \[\theta q+\theta_1 r = \frac{p + q + r}{2}\]ou, de manière équivalente, \[2\theta q + 2\theta_1 r = p + q + r\]On substitue \(\theta_{1}\) par \(\frac{1}{2\theta}\) dans l’équation précédente, \[2\theta q + 2\left(\frac{1}{2\theta}\right)r = p + q + r\]ce qui fait \[2\theta q + \frac{1}{\theta}r = p + q + r\]On multiplie chaque côté par \(\theta\) \[2q\theta^{2} + r = \left(p + q + r\right)\theta\]ou, de manière équivalente, \[2q\theta^{2}-\left(p + q + r\right)\theta + r = 0\]L’équation précédente est une équation quadratique en \(\theta\). On considère \[f\left(\theta\right) = 2q\theta^{2}-\left(p + q + r\right)\theta + r\]pour des valeurs de \[\frac{1}{2}< \theta < 1\]On remarque que \begin{align*}f\left(\frac{1}{2}\right) &= 2q\left(\frac{1}{2}\right)^{2} – \left(p + q + r\right)\left(\frac{1}{2}\right) + r  \\ \\ &= \frac{1}{2}q-\frac{1}{2}p-\frac{1}{2}q-\frac{1}{2}r+r \\ \\ &= \frac{1}{2}\left(r-p\right) \end{align*} et aussi que \begin{align*}f\left(1\right) &= 2q\left(1\right)^{2 }-\left(p + q + r\right)\left(1\right) + r  \\ \\ &=2q-p-q-r+r \\ \\ &=q-p\end{align*}

D’autre part, en complétant le carré, on obtient \begin{align*} f\left(\theta\right) &= 2q\theta^{2}-\left(p + q + r\right)\theta + r \\ \\ &= 2q\left(\theta^{2}-\frac{p + q + r}{2q}\theta + \left(\frac{p + q + r}{4q}\right)^{2}-\left(\frac{p + q + r}{4q}\right)^{2} + \frac{r}{2q}\right) \\ \\ &= 2q \left(\left(\theta- \frac{p + q + r}{4q}\right)^{2}+\frac{r}{2q}-\frac{\left(p+q+r\right)^{2}}{16q^2}\right) \\ \\ &=2q \left(\theta- \frac{p + q + r}{4q}\right)^{2}+r-\frac{\left(p+q+r\right)^{2}}{8q} \\ \\ &= 2q \left(\theta- \frac{p + q + r}{4q}\right)^{2}+\frac{8qr-\left(p+q+r\right)^{2}}{8q}\end{align*}

Ainsi, la fonction atteint son minimum en \(\displaystyle \theta = \frac{p + q + r}{4q}\) et ce minimum est \(\displaystyle \frac{8qr-\left(p+q+r\right)^{2}}{8q}\).

Il nous suffit maintenant d’examiner quelques signes.

Si \(P\) joue le rôle de \(B\), autrement dit si \(p\) joue le rôle de \(b\), et on se rappelle que \(a<b<c\), alors \[f\left(\frac{1}{2}\right) = \frac{1}{2}\left(r-p\right)\]et \[f\left(1\right) = q-p\]sont de signes contraires (si \(q<p<r\) alors \(r-p\) est strictement positif et \(q-p\) est strictement négatif et si \(r<p<q\) alors \(r-p\) est strictement négatif et \(q-p\) est strictement positif). \(f\left(\theta\right)\) prend donc la valeur de \(0\) sur cet intervalle et il y a dans ce cas toujours une droite qui coupe les côtés \(a\) et \(c\).

Si \(P\) joue le rôle de \(C\), autrement dit si \(p\) joue le rôle de \(c\), le plus grand côté du triangle, alors \[f\left(\frac{1}{2}\right) = \frac{1}{2}\left(r-p\right)\]est strictement négatif, \[f\left(1\right) = q-p\]est strictement négatif et \[f\left(\frac{p + q + r}{4q}\right) = \frac{8qr-\left(p+q+r\right)^{2}}{8q}\]est aussi strictement négatif. Le dernière affirmation nécessite peut-être une précision. Si \(p>q\) alors \begin{align*}\left(p + q + r\right)^{2} > \left(2q+r\right)^{2} &=4q^{2} + 4qr + r^{2}  \\ \\ &=4q^{2}-4qr + r^{2} + 8qr \\ \\ &=\left(2q-r\right)^2 + 8qr \\ \\&\geq 8qr\end{align*} Il n’y a donc aucune valeur de \(\theta\) entre \(\frac{1}{2}\) et \(1\) pour laquelle \(f\left(\theta\right) = 0\). En d’autres mots, il n’y a aucune droite qui croise les côtés \(a\) et \(b\).

Enfin, si \(P\) joue le rôle de \(A\), autrement dit si \(p\) joue le rôle de \(a\), le plus petit côté du triangle, \[f\left(\frac{1}{2}\right) = \frac{1}{2}\left(r-p\right)\]est strictement positif et \[f\left(1\right) = q-p\]est aussi strictement positif. Il y a donc aucune, une ou deux solutions selon la valeur de \[f\left(\frac{p + q + r}{4q}\right) = \frac{8qr-\left(p+q+r\right)^{2}}{8q}\]Si \(\frac{8qr-\left(p+q+r\right)^{2}}{8q}\) est strictement positif, il n’y a aucune valeur pour \(\theta\) et aucune droite ne croise les côtés \(b\) et \(c\). Si \(\frac{8qr-\left(p+q+r\right)^{2}}{8q}\) est nul, alors il y a une valeur pour \(\theta\) (qui, au passage, serait \(\theta = \frac{p+q+r}{4q}\)) et une droite qui croise les côtés \(b\) et \(c\). Enfin, si \(\frac{8qr-\left(p+q+r\right)^{2}}{8q}\) est strictement négatif, il y a deux valeurs pour \(\theta\) et deux droites qui croisent les côtés \(b\) et \(c\).

Comme \(8q\) (le dénominateur) est strictement positif, on peut exprimer la condition sous la forme suivante \[8bc-\left(a+b+c\right)^{2}\mathrel{\substack{>\\ =\\<}}0\]ou \[8bc\mathrel{\substack{>\\ =\\<}}\left(a+b+c\right)^{2}\]ce qui correspond au résultat attendu et énoncé plus haut dans ce billet. En comptant la droite qui croise les côtés \(a\) et \(c\), on a une, deux ou trois droites selon que, respectivement, \[\left(a+b+c\right)^{2}\mathrel{\substack{<\\ =\\>}}8bc\]

Si le triangle est équilatéral, on a \(a = b = c\) et \[\left(a+b+c\right)^{2}\mathrel{\substack{<\\ =\\>}}8bc\]devient \[\left(3b\right)^{2}\mathrel{\substack{<\\ =\\>}}8b^{2}\]ou  \[9b^{2}\mathrel{\substack{<\\ =\\>}}8b^{2}\]ou \[b^{2}\mathrel{\substack{<\\ =\\>}}0\]Or comme \(b^{2}\) est strictement positif, il y a toujours trois droites qui coupent le triangle. Ces trois droites sont les trois médianes (le cas \(\theta = 1\) rejeté ci-haut dans le cas du triangle scalène). Si le triangle est isocèle et que les deux plus petits côtés du triangle sont isométriques, c’est-à-dire que \(a = b < c\), alors \[\left(a+b+c\right)^{2}\mathrel{\substack{<\\ =\\>}}8bc\]devient \[\left(2b+c\right)^{2}\mathrel{\substack{<\\ =\\>}}8bc\]ce qui fait \[4b^{2}+4bc + c^{2}\mathrel{\substack{<\\ =\\>}}8bc\]ou de manière équivalente, \[4b^{2}-4bc + c^{2}\mathrel{\substack{<\\ =\\>}}0\]et enfin \[\left(2b-c\right)^{2}\mathrel{\substack{<\\ =\\>}}0\]Puisque le membre de gauche est toujours strictement positif (pour être nul, il faudrait avoir \(a = b = \frac{1}{2}c\), or là, on n’a plus de triangle), il y a toujours trois droites. Enfin, si le triangle est isocèle mais ce sont les deux plus grands côtés qui sont isométriques, alors \(a< b = c\) et \[\left(a+b+c\right)^{2}\mathrel{\substack{<\\ =\\>}}8bc \]devient \[\left(a+2b\right)^{2}\mathrel{\substack{<\\ =\\>}}8b^2\]Puisque \(a\), \(b>0\),  \[\left(a+2b\right)^{2}\mathrel{\substack{<\\ =\\>}}8b^2\]devient \[a+2b\mathrel{\substack{<\\ =\\>}}2\sqrt{2}b\]puis \[a\mathrel{\substack{<\\ =\\>}}\left(2\sqrt{2}-2\right)b\]et enfin \[a\mathrel{\substack{<\\ =\\>}}2\left(\sqrt{2}-1\right)b\]Puisque \(2\left(\sqrt{2}-1\right) \approx 0,\!8284\), mais que néanmoins \(0,\!8284>0,5\), selon la valeur de \(a\) et \(b = c\), il peut y avoir une, deux ou trois droites comme dans le cas d’un triangle scalène.

Un exemple…

On considère à titre d’exemple le triangle scalène de côtés 40, 45 et 50.thedudeminds_2015082610Les sommets \(A\), \(B\) et \(C\) et les côtés \(a\), \(b\) et \(c\) sont placés comme il le faut. On constate d’abord que \begin{align*}\left(40 + 45 + 50\right)^{2} &= 135^{2} \\ \\ &=18225 \\ \\&>8\left(45\right)\left(50\right) = 1800\end{align*} Il y a donc 3 droites possibles, une coupant les côtés \(a\) et \(c\) et deux coupant les côtés \(b\) et \(c\). En remplaçant par les bonnes valeurs, on trouve d’abord les solutions à \[2\left(50\right)\theta^{2}-\left(40 + 45 + 50\right)\theta + 40 = 0\]ou, de manière équivalente, \[100\theta^{2}-135\theta+40 = 0\]Les solutions de cette équation quadratique sont \(\theta = \frac{27-\sqrt{89}}{40}\approx 0,493\) et \(\theta = \frac{27+\sqrt{89}}{40} \approx 0,911\). En se rappelant que \[\theta_{1} = \frac{1}{2\theta}\]et que \[\frac{1}{2}< \theta< 1\]et \[\frac{1}{2}< \theta_{1}<1\]seule la deuxième solution, \(\theta = \frac{27+\sqrt{89}}{40} \approx 0,911\), est acceptée. On trouve, par ailleurs, \begin{align*} \theta_{1} &= \frac{1}{2\frac{27+\sqrt{89}}{40}} \\ \\&= \frac{20}{27+\sqrt{89}}\end{align*} puis, en rationalisant, \begin{align*} \theta_{1} &= \frac{20\left(27-\sqrt{89}\right)}{729-89} \\ \\&=\frac{20\left(27-\sqrt{89}\right)}{640} \\ \\ &=\frac{27-\sqrt{89}}{32} \approx 0,549\end{align*}thedudeminds_2015082612

On trouve ensuite les solutions de \[2\left(50\right)\theta^{2}-\left(40+45+50\right)\theta +45 = 0\]ou, de manière équivalente, \[100\theta^{2} – 135\theta + 45 = 0\]Cette fois-ci les solutions sont \(\theta = \frac{3}{5}\) et \(\theta = \frac{3}{4}\) et les deux sont acceptées. La première nous donne \(\theta_{1}=\frac{1}{2\left(\frac{3}{5}\right)} = \frac{5}{6}\) et la deuxième \(\theta_{1} = \frac{1}{2\left(\frac{3}{4}\right)} = \frac{2}{3}\). Ces valeurs correspondent respectivement àthedudeminds_2015082614etthedudeminds_2015082613

On note au passage, en utilisant ce dernier cas à titre d’exemple, que l’aire du triangle rouge sur la figure est \[\frac{30 \cdot \frac{75}{2}\cdot \sin\left(A\right)}{2} = \frac{1125}{2}\cdot \sin\left(A\right)\]ce qui correspond bien à la moitié de l’aire du triangle \(ABC\) \[\frac{45 \cdot 50 \cdot \sin\left(A\right)}{2}=1125\cdot \sin\left(A\right)\]On observe aussi que \[30 + \frac{75}{2} = \frac{135}{2}\]correspond aussi à la moitié du périmètre \[40 + 45 + 50 = 135\]

[1] La démarche ci-dessus bien qu’intuitive, n’est pas parfaitement rigoureuse en ce sens qu’elle s’appuie tacitement sur des propriétés fondamentales des nombres réels et sur le théorème des valeurs intermédiaires de fonctions continues qu’on étudierait dans un cours d’analyse.

Références :

Niven, Ivan, Maxima and Minima Without Calculus, MAA, 1981

Dunkel, Otto and E. P. Starke, The American Mathematical Monthly, Vol. 49, pp. 64-68

Un petit pas pour l’induction…

… mais un pas de géant pour l’inégalité des moyennes arithmétique et géométrique

L’inégalité des moyennes arithmétique et géométrique est une inégalité élémentaire très connue (et utile). La moyenne arithmétique \(A\) de deux nombres positifs \(a\) et \(b\) est \[A=\frac{a+b}{2}\]alors que la moyenne géométrique \(G\) [1]  de deux nombres positifs \(a\) et \(b\) est \[G=\sqrt{ab}\]L’inégalité stipule que \[A\geq G\]

Pour 2 nombres

thedudeminds_2015063003

Le triangle est-il rectangle ? La cathète étant plus petite que l’hypoténuse, on a \(a+b>2\sqrt{ab}\) ou \(\frac{a+b}{2}> \sqrt{ab}\)

L’inégalité pour deux nombres positifs \(a\) et \(b\) est \[\frac{a+b}{2} \geq \sqrt{ab}\]On peut faire la démonstration de cette inégalité assez facilement. On observe d’abord que \(\left (\sqrt{\vphantom{b}a}-\sqrt{b} \right )^{2}\) étant un carré, c’est-à-dire un nombre positif, on a \[\left(\sqrt{\vphantom{b}a}-\sqrt{b}\right)^2 \geq 0\]Il est aussi évident qu’on a l’égalité si et seulement si \(\sqrt{\vphantom{b}a} = \sqrt{b}\). Ainsi, si \(\sqrt{\vphantom{b}a}\neq \sqrt{b}\), on a \[\left(\sqrt{\vphantom{b}a}-\sqrt{b}\right)^2 > 0\]On peut développer à gauche, \[a- 2\sqrt{ab} + b > 0\]ou, de manière équivalente, \[a + b > 2\sqrt{ab}\]ou encore \[\frac{a+b}{2} > \sqrt{ab}\]Voilà.

Qu’en est-il pour trois nombres ? Pour quatre nombres ? Pour \(n\) nombres ? L’inégalité tient-elle ? La réponse est oui. Pour trois nombres, on a  \[\frac{a+b+c}{3} \geq \sqrt[3]{abc}\]avec égalité si et seulement si \(a=b=c\) et pour quatre, \[\frac{a + b + c + d}{4} \geq \sqrt[4]{abcd}\]avec égalité si et seulement si \(a=b=c=d\). Pour \(n\) nombres, c’est \[\frac{a_{1}+a_{2}+a_{3}+\dots+a_{n}}{n}\geq \sqrt[n]{a_{1}a_{2}a_{3}\cdots a_{n}}\]toujours avec égalité si \[a_{1}=a_{2}=a_{3}=\dots=a_{n}\]

Pour \(n\) nombres

L’inégalité des moyennes arithmétique et géométrique était en fait une belle excuse dans ce billet pour vous présenter le petit bijou d’induction mathématique qui suit. Il me semble que dans chaque livre ou manuel, lorsque vient le temps de faire l’introduction à l’induction mathématique, on prend grand soin d’expliquer l’induction « qui monte » et celle « qui descend » … avec plusieurs exemples d’induction « qui monte » mais, c’est peut-être une impression personnelle, sans jamais fournir un exemple authentique d’induction qui descend. En voici un remarquable.

La démonstration suivante est attribuée à Augustin Louis Cauchy (1789-1857) dans son Cours d’Analyse, publié en 1821.Augustin-Louis_Cauchy_1901

Sur la recommandation de Niven [2], on s’attaque d’abord aux cas \(n=3\) et \(n=4\), à titre d’exemples, puisque la démonstration de Cauchy peut être assez redoutable pour un néophyte. On commence donc par démontrer, avec les quatre nombres positifs \(a\), \(b\), \(c\) et \(d\), que \[\frac{a+b+c+d}{4}\geq \sqrt[4]{abcd}\]Il est clair qu’on a l’égalité si et seulement si \[a = b= c= d\]et on suppose donc qu’au moins deux de ces nombres ne sont pas égaux, par exemple \(a \neq b\) et on s’attaque à l’inégalité stricte \[\frac{a+b+c+d}{4}> \sqrt[4]{abcd}\]On sait que \[\frac{a+b}{2}>\sqrt{ab}\]et \[\frac{c+d}{2}\geq \sqrt{cd}\]puisqu’il s’agit de l’inégalité avec deux nombres (\(n=2\)), démontrée ci-haut. En effectuant la somme de ces inégalités, on obtient \[\frac{a+b+c+d}{2} >\sqrt{ab} + \sqrt{cd}\]En réutilisant l’inégalité de deux nombres une deuxième fois, avec les membres de droite, on obtient \[\frac{\sqrt{ab}+\sqrt{cd}}{2} \geq \sqrt{\sqrt{ab}\sqrt{cd}}\]ou \[\frac{\sqrt{ab}+\sqrt{cd}}{2} \geq \sqrt{\sqrt{abcd}}\]ce qui fait \[\frac{\sqrt{ab}+\sqrt{cd}}{2}\geq \sqrt[4]{abcd}\]ou en multipliant par \(2\) \[\sqrt{ab} + \sqrt{cd} \geq 2 \sqrt[4]{abcd}\]L’inégalité pour quatre nombres découle donc de ces deux inégalités \begin{align*}\frac{a+b+c+d}{2} &>\sqrt{ab} + \sqrt{cd} \geq 2 \sqrt[4]{abcd} \\ \\ \frac{a+b+c+d}{2} &> 2 \sqrt[4]{abcd} \\ \\ \frac{a+b+c+d}{4} &> \sqrt[4]{abcd} \end{align*} On note au passage qu’on obtient bien l’inégalité stricte comme résultat final. On cherche ensuite à démontrer, avec les trois nombres positifs \(a\), \(b\) et \(c\), que \[\frac{a+b+c}{3}\geq \sqrt[3]{abc}\]avec égalité si et seulement si \[a = b = c\]Comme pour le cas précédent, on suppose que \(a \neq b\) et on démontre l’inégalité stricte. On utilise le résultat précédent (le cas \(n = 4\)) \[\frac{a+b+c+d}{4} > \sqrt[4]{abcd}\]et on effectue la substitution suivante \[d = \sqrt[3]{abc}\]On obtient donc \[\frac{a+b+c+\sqrt[3]{abc}}{4} > \sqrt[4]{abc\sqrt[3]{abc}}\]Le membre de droite se simplifie à \begin{align*}\sqrt[4]{abc\sqrt[3]{abc}} &= \left(abc \left(abc\right)^{\frac{1}{3}}\right)^{\frac{1}{4}} \\ \\ &=\left(\left(a^{3}b^{3}c^{3}\right)^{\frac{1}{3}} \left(abc\right)^{\frac{1}{3}}\right)^{\frac{1}{4}} \\ \\ &= \left(\left(a^{4}b^{4}c^{4}\right)^{\frac{1}{3}}\right)^{\frac{1}{4}} \\ \\ &= \left(\left(\left(abc\right)^{4}\right)^{\frac{1}{3}}\right)^{\frac{1}{4}} \\ \\ &= \left(\left(abc\right)^{\frac{4}{3}}\right)^{\frac{1}{4}} \\ \\ &= \left(abc\right)^{\frac{1}{3}} \\ \\ &= \sqrt[3]{abc}\end{align*} ce qui fait \[\frac{a+b+c+\sqrt[3]{abc}}{4} > \sqrt[3]{abc}\]Et voilà ! Il suffit de multiplier par \(4\) \[a+ b + c + \sqrt[3]{abc}  > 4 \sqrt[3]{abc}\]de soustraire \(\sqrt[3]{abc}\) de chaque côté \[a + b + c > 3\sqrt[3]{abc}\]et finalement de diviser par \(3\) \[\frac{a+b+c}{3}> \sqrt[3]{abc}\]

La preuve de Cauchy

On considère la proposition \(P_{n}\) suivante : pour \(n\) nombres positifs \(a_{1}\), \(a_{2}\), \(a_{3}\), … , \(a_{n}\), pas tous égaux, on a \[\frac{a_{1}+a_{2}+a_{3}+ \cdots + a_{n}}{n}>\sqrt[n]{a_{1}a_{2}a_{3}\cdots a_{n}}\]Afin d’alléger un peu la notation, on peut réécrire l’inégalité ci-dessous comme \[a_{1}+a_{2}+a_{3}+ \cdots +a_{n} > n\left(a_{1}a_{2}a_{3}\cdots a_{n}\right)^{\frac{1}{n}}\]On sait que \(P_{2}\) est vraie (c’est l’inégalité avec deux nombres, démontrée ci-haut). En s’inspirant de la démarche précédente (qui établissait au passage \(P_{3}\) et \(P_{4}\)), on établit \(P_{n}\) pour \(n\geq 3\). On y arrive en démontant ces deux résultats :

Premier résultat : Si la proposition \(P_{n}\) est vraie pour les nombres \(n\geq 3\), alors \(P_{n-1}\) est vraie aussi.

Deuxième résultat : Si la proposition \(P_{n}\) est vraie pour les nombres \(n \geq 3\), alors \(P_{2n}\) est vraie aussi.

Comme dans Niven [2], on peut voir que la combinaison de ces résultats démontre la proposition \(P_{n}\) pour tout \(n \geq 3\). On sait que \(P_{2}\) est vraie, donc le deuxième résultat nous dit que \[P_{4}, \; P_{8}, \; P_{16}, \;P_{32}, \; P_{64}, \; \cdots \]sont vraies aussi. Ainsi, pour montrer que la proposition \(P_{n}\) est vraie pour une valeur particulière de \(n\), il suffit d’aller chercher une puissance de \(2\) supérieure (ou égale) à \(n\), par le deuxième résultat, puis de « descendre » jusqu’à \(n\) par le premier résultat. Par exemple, pour établir \(P_{28}\), on irait jusqu’à \(P_{32}\) par le deuxième résultat, puis, par le premier, on obtiendrait successivement les propositions \[P_{31}, \; P_{30}, \; P_{29}, \;P_{28}\]Comment ne pas s’extasier devant autant de génie ?

On s’attaque d’abord à la démonstration que \(P_{n}\) implique \(P_{n-1}\). On suppose que (c’est notre hypothèse) \[a_{1}+a_{2}+a_{3}+ \cdots + a_{n} > n\left(a_{1}a_{2}a_{3}\cdots a_{n}\right)^{\frac{1}{n}}\]avec \(a_{1} \neq a_{2}\), et on remplace \(a_{n}\) par la moyenne géométrique \(g\) de \(a_{1}\), \(a_{2}\), … , \(a_{n-1}\), c’est-à-dire, par \(g = \left(a_{1}a_{2}a_{3}\cdots a_{n-1}\right)^{\frac{1}{n-1}}\). On obtient donc \[a_{1}+a_{2}+a_{3}+ \cdots + a_{n-1}+g > n\left(a_{1}a_{2}a_{3}\cdots a_{n-1}\, g\right)^{\frac{1}{n}}\]Puisque \begin{align*}g &= \left(a_{1}a_{2}a_{3}\cdots a_{n-1}\right)^{\frac{1}{n-1}} \\ \\ g^{n-1} &= a_{1}a_{2}a_{3}\cdots a_{n-1} \end{align*} l’inégalité précédente devient \begin{align*}a_{1}+a_{2}+a_{3}+ \cdots + a_{n-1}+g &> n\left(g^{n-1}g\right)^{\frac{1}{n}} \\ \\ a_{1}+a_{2}+a_{3}+ \cdots + a_{n-1}+g &> n\left(g^{n}\right)^{\frac{1}{n}} \\ \\ a_{1}+a_{2}+a_{3}+ \cdots + a_{n-1}+g &> ng\end{align*} En soustrayant \(g\) de chaque côté, on obtient \[a_{1}+a_{2}+a_{3}+ \cdots + a_{n-1} > \left(n-1\right)g\]ou \[a_{1}+a_{2}+a_{3}+ \cdots + a_{n-1} > \left(n-1\right)\left(a_{1}a_{2}a_{3}\cdots a_{n-1}\right)^{\frac{1}{n-1}}\]c’est-à-dire la proposition \(P_{n-1}\).

On s’attarde ensuite à démontrer que la proposition \(P_{n}\) implique \(P_{2n}\). Encore une fois, on suppose que \(a_{1} \neq a_{2}\). En utilisant le cas \(n = 2\), on sait que \begin{align*} a_{1} + a_{2} &> 2\sqrt{a_{1}a_{2}} \\ \\  a_{3} + a_{4} &\geq 2\sqrt{a_{3}a_{4}} \\ \\  a_{5} + a_{6} &> 2\sqrt{a_{5}a_{6}} \\ \\ &\cdots \\ \\  a_{2n-1} + a_{2n} &> 2\sqrt{a_{2n-1}a_{2n}} \end{align*} La somme de toutes ces inégalités correspond à l’inégalité stricte \[a_{1} + a_{2} + a_{3} + a_{4} + \cdots + a_{2n-1} + a_{2n} > 2\left(\sqrt{a_{1}a_{2}} + \sqrt{a_{3}a_{4}}+\sqrt{a_{5}a_{6}}+\cdots +\sqrt{a_{2n-1}a_{2n}}\right)\]On note qu’il y a bien \(n\) termes dans la grande parenthèse à droite. On applique donc la proposition \(P_{n}\) (notre hypothèse) aux \(n\) termes à droite. Ces termes pourraient être tous égaux, donc on obtient l’inégalité large \begin{align*}\sqrt{a_{1}a_{2}} + \sqrt{a_{3}a_{4}}+\cdots +\sqrt{a_{2n-1}a_{2n}} &\geq n\left(\sqrt{a_{1}a_{2}} \sqrt{a_{3}a_{4}}\cdots \sqrt{a_{2n-1}a_{2n}}\right)^{\frac{1}{n}}\\ \\ &\geq n\left(\sqrt{a_{1}a_{2}a_{3}\cdots a_{2n-1}a_{2n}}\right)^{\frac{1}{n}} \\ \\ &\geq n\left(\left(a_{1}a_{2}a_{3}\cdots a_{2n-1}a_{2n}\right)^{\frac{1}{2}}\right)^{\frac{1}{n}} \\ \\ &\geq n\left(a_{1}a_{2}a_{3}\cdots a_{2n-1}a_{2n}\right)^{\frac{1}{2n}}\end{align*} En multipliant l’inégalité précédente par \(2\), on obtient \[2\left(\sqrt{a_{1}a_{2}} + \sqrt{a_{3}a_{4}}+\cdots +\sqrt{a_{2n-1}a_{2n}}\right) \geq 2n\left(a_{1}a_{2}a_{3}\cdots a_{2n-1}a_{2n}\right)^{\frac{1}{2n}}\]ce qui nous permet d’établir \(P_{2n}\), en réutilisant \[a_{1} + a_{2} + a_{3} + a_{4} + \cdots + a_{2n-1} + a_{2n} > 2\left(\sqrt{a_{1}a_{2}} + \sqrt{a_{3}a_{4}}+\sqrt{a_{5}a_{6}}+\cdots +\sqrt{a_{2n-1}a_{2n}}\right) \geq 2n\left(a_{1}a_{2}a_{3}\cdots a_{2n-1}a_{2n}\right)^{\frac{1}{2n}}\] et donc \[a_{1} + a_{2} + a_{3} + a_{4} + \cdots + a_{2n-1} + a_{2n}>2n\left(a_{1}a_{2}a_{3}\cdots a_{2n}\right)^{\frac{1}{2n}}\]c’est-à-dire la proposition \(P_{2n}\).

\begin{align*} \; \\ \\ \; \end{align*}

[1] Les élèves se demandent quand est-ce qu’on utilise la moyenne géométrique. Par exemple, on l’utilise quand on veut calculer la moyenne de rapports ou de facteurs. On suppose qu’un employeur offre une augmentation salariale de \(30\%\) la première année (donc un salaire \(S\) est multiplié par \(1,\!30\)), \(10\%\) la deuxième et \(5\%\) la troisième. La moyenne arithmétique nous donnerait \[\frac{1,30S + 1,10S + 1,05S}{3} = 1,15S\]c’est-à-dire une augmentation salariale moyenne \(15\%\) par année. Or, ce n’est pas le cas (un petit calcul suffit à nous convaincre). L’augmentation moyenne \(G\) doit correspondre à \[1,30 \cdot 1,10 \cdot 1,05 S = G^{3}S\]ou \[G = \sqrt[3]{1,30\cdot 1,10 \cdot 1,05} = \sqrt[3]{1,5015} = 1,1451\]c’est-à-dire que l’augmentation moyenne n’est pas de \(15\%\) mais plutôt de \(14,\!51\%\). On note au passage que la moyenne géométrique \(G\) est plus petite (\(1,\!1451\)) que la moyenne arithmétique (\(1,\!15\)), tel qu’attendu.

[2] Niven, Ivan, Maxima and Minima Without Calculus, MAA, 1981

Autre référence :

Alsina, Claudi et Nelsen, Roger B., When Less is More, MAA, 2009

Une jolie image…

Une jolie image chez Futility Closet, reproduite ici – merci, Géogébra – m’inspire ce billet. C’est beau et c’est un opportun prétexte pour trouver quelques valeurs exactes supplémentaires et dépoussiérer (dans mon cas) le livre XIII des Éléments d’Euclide.

thedudeminds_2014120701

 Dans trois cercles isométriques, on inscrit un pentagone régulier, un hexagone régulier et un décagone régulier. Les côtés de ces trois polygones réguliers forment un triangle rectangle. Ce triangle rectangle est la moitié d’un rectangle d’or.

On divise un \(n\)-gone régulier en \(n\) triangles isocèles isométriques. On considère un de ces triangles et on trace la hauteur issue de l’angle de mesure \(\frac{2\pi}{n}\)Dans un triangle isocèle, cette hauteur est aussi médiatrice et bissectrice, si bien que l’on forme un triangle rectangle d’hypoténuse \(r\), le rayon du cercle, de cathète \(\frac{1}{2}c\)la moitié de la mesure du côté du \(n\)-gone. Cette cathète est opposée à l’angle de \(\frac{\pi}{n}\).

thedudeminds_2014120702

Le rapport sinus dans ce triangle rectangle nous donne \[\sin\left(\frac{\pi}{n}\right) = \frac{\frac{1}{2}c}{r}\]ou de manière équivalente, \[c = 2r\sin\left(\frac{\pi}{n}\right)\]Ainsi, dans le cas du pentagone régulier, \(n=5\) et le côté mesure \[2r\sin\left(\frac{\pi}{5}\right)\]dans le cas de l’hexagone régulier, \(n=6\) et le côté mesure \[2r \sin\left(\frac{\pi}{6}\right)\]et enfin dans le cas du décagone régulier, \(n = 10\) et le côté mesure \[2r\sin\left(\frac{\pi}{10}\right)\]Quelles sont les valeurs de ces sinus ? Dans le cas de l’hexagone, c’est une valeur connue, puisque la mesure du côté de l’hexagone correspond au rayon du cercle (les triangles isocèles sont en fait équilatéraux), et comme on sait que \[\sin\left(\frac{\pi}{6}\right) = \frac{1}{2}\]on trouve sans surprise \[2r\sin\left(\frac{\pi}{6}\right) = 2r \cdot \frac{1}{2} = r\]En utilisant un autre résultat, vu ici, on sait que \[\cos\left(\frac{\pi}{5}\right) = \frac{1+\sqrt{5}}{4}\]et en élevant au carré, \[\cos^{2}\left(\frac{\pi}{5}\right) = \frac{3+\sqrt{5}}{8}\]En utilisant l’identité fondamentale, \[\sin^{2}\left(\alpha\right) + \cos^{2}\left(\alpha\right) = 1\]avec \(\displaystyle \alpha = \frac{\pi}{5}\), on obtient \[\sin^{2}\left(\frac{\pi}{5}\right) + \cos^{2}\left(\frac{\pi}{5}\right) = 1\]et en remplaçant \[\sin^{2}\left(\frac{\pi}{5}\right) + \frac{3  + \sqrt{5}}{8} = 1\]Cette dernière expression nous donne le carré du sinus, \[\sin^{2}\left(\frac{\pi}{5}\right) = \frac{5- \sqrt{5}}{8}\]ou même le sinus, puisque \(0 < \frac{\pi}{5} < \frac{\pi}{2}\), c’est la racine carrée positive de l’expression précédente \[\sin\left(\frac{\pi}{5}\right) = \sqrt{\frac{5-\sqrt{5}}{8}}\]On fait la même chose avec \(\displaystyle \alpha= \frac{\pi}{10}\). On a \[\sin^{2}\left(\frac{\pi}{10}\right) + \cos^{2}\left(\frac{\pi}{10}\right) = 1\]sauf que là, il faut travailler un peu, ou enfin davantage… Avec l’identité \[\sin\left(\eta + \theta\right) = \sin\left(\eta\right)\cos\left(\theta\right) + \sin\left(\theta\right)\cos\left(\eta\right)\]on pose \(\eta = \theta\) et après quelques étapes algébriques, on obtient la formule du cosinus de l’angle double \[\cos\left(2\eta\right) = 2\cos^{2}\left(\eta\right)- 1\]Avec \(\displaystyle \eta = \frac{\pi}{10}\) on obtient \[\cos\left(\frac{\pi}{5}\right) = 2\cos^{2}\left(\frac{\pi}{10}\right)- 1\]c’est-à-dire \[\frac{1+\sqrt{5}}{4} = 2\cos^{2}\left(\frac{\pi}{10}\right)- 1\]En additionnant 1 de chaque côté \[\frac{5+\sqrt{5}}{4} = 2\cos^{2}\left(\frac{\pi}{10}\right)\]et en divisant par 2, \[\frac{5+\sqrt{5}}{8} = \cos^{2}\left(\frac{\pi}{10}\right)\]on obtient la valeur du carré du cosinus. En remplaçant dans l’identité fondamentale,\[\sin^{2}\left(\frac{\pi}{10}\right) + \cos^{2}\left(\frac{\pi}{10}\right) = 1\]on a \[\sin^{2}\left(\frac{\pi}{10}\right) + \frac{5+\sqrt{5}}{8} = 1\]et en soustrayant, apparaît la valeur du carré du sinus \[\sin^{2}\left(\frac{\pi}{10}\right) = \frac{3-\sqrt{5}}{8}\]Encore une fois, puisque \(0 < \frac{\pi}{10} < \frac{\pi}{2}\), le sinus est positif \[\sin\left(\frac{\pi}{10}\right) = \sqrt{\frac{3-\sqrt{5}}{8}}\]Il reste à vérifier la relation de Pythagore : si c’est le cas, le triangle est rectangle ! En considérant le plus grand côté, celui du pentagone régulier, comme l’hypoténuse, on pose \[\left(2r\sin\left(\frac{\pi}{10}\right)\right)^{2} + \left(2r\sin\left(\frac{\pi}{6}\right)\right)^{2} \overset{?}{=} \left(2r \sin \left(\frac{\pi}{5}\right) \right)^{2}\]ou de manière équivalente \[4r^{2}\sin^{2}\left(\frac{\pi}{10}\right) + 4r^{2}\sin^{2}\left(\frac{\pi}{6} \right) \overset{?}{=} 4r^{2}\sin^{2}\left(\frac{\pi}{5}\right)\]

En divisant chaque côté par \(4r^{2}\), \[\sin^{2}\left(\frac{\pi}{10}\right)+\sin^{2}\left(\frac{\pi}{6}\right) \overset{?}{=} \sin^{2}\left(\frac{\pi}{5}\right)\]Le membre de gauche de l’équation est connu, c’est \begin{align} \sin^{2}\left(\frac{\pi}{10}\right) + \sin^{2}\left(\frac{\pi}{6}\right) & = \frac{3\,- \sqrt{5}}{8} + \frac{1}{4} \\ \\ & = \frac{5-\sqrt{5}}{8} \\ \\ & = \sin^{2}\left(\frac{\pi}{5}\right)\end{align}Le triangle est bien rectangle ! Est-il une moitié de rectangle d’or ? On considère le rapport des mesures des côtés \[\frac{2r\sin\left(\frac{\pi}{6}\right)}{2r\sin\left(\frac{\pi}{10}\right)} = \frac{\sin\left(\frac{\pi}{6}\right)}{\sin\left(\frac{\pi}{10}\right)}\]et ces quelques étapes algébriques simples (mais non moins fastidieuses) \begin{align} \frac{\sin\left(\frac{\pi}{6}\right)}{\sin\left(\frac{\pi}{10}\right)} & = \frac{\frac{1}{2}}{\sqrt{\frac{3-\sqrt{5}}{8}}} \\ \\&= \frac{\sqrt{\frac{1}{4}}}{\sqrt{\frac{3-\sqrt{5}}{8}}} \\ \\ &= \sqrt{\; \frac{\frac{1}{4}}{\frac{3-\sqrt{5}}{8}}} \\ \\ &= \sqrt{\frac{\frac{1}{4}\cdot 8}{\frac{3-\sqrt{5}}{8}\cdot 8}} \\ \\ &= \sqrt{\frac{2}{3-\sqrt{5}}}\end{align}Suivent encore quelques étapes algébriques de routine, \begin{align} \frac{\sin\left(\frac{\pi}{6}\right)}{\sin\left(\frac{\pi}{10}\right)} & = \sqrt{\frac{2}{3-\sqrt{5}}} \\ \\ &= \sqrt{\frac{2\left(3+\sqrt{5}\right)}{\left(3-\sqrt{5}\right)\left(3+\sqrt{5}\right)}} \\ \\ &= \sqrt{\frac{2\left(3+\sqrt{5}\right)}{4}} \\ \\ &= \sqrt{\frac{3+\sqrt{5}}{2}}\end{align}Il suffit enfin de se rendre compte que l’expression dans la grande racine carrée est un carré \begin{align} \frac{\sin\left(\frac{\pi}{6}\right)}{\sin\left(\frac{\pi}{10}\right)} & = \sqrt{\frac{3+\sqrt{5}}{2}} \\ \\ & = \sqrt{\frac{6 + 2\sqrt{5}}{4}} \\ \\ &=\sqrt{\frac{1^{2}+2\sqrt{5} + \left(\sqrt{5}\right)^{2}}{4}} \\ \\ & = \sqrt{\frac{\left(1+\sqrt{5}\right)^{2}}{4}} \\ \\ &= \frac{1+\sqrt{5}}{2}\end{align}pour qu’apparaisse le nombre d’or !

Euclide, vieille branche !

En suivant le lien sur Futility Closet, on découvre que l’auteur de l’image de Wikimedia Commons est nul autre que David Eppstein et que l’image est intitulée : Euclid XIII.10. Diantre ! Érudits, à vos Éléments ! (Heureusement, je possède une copie peu dispendieuse, en anglais.) Comment Euclide s’y prend-t-il ? C’est sans surprise qu’il utilise son arme favorite… des triangles semblables !

thedudeminds_2015021201

Il inscrit d’abord le pentagone régulier \(ABCDE\) dans un cercle de centre \(F\). Il trace un diamètre \(\overline{AG}\). Il trace \(\overline{FB}\) et \(\overline{FK}\), perpendiculaire à \(\overline{AB}\), coupant \(\overline{AB}\) en \(H\). Il trace ensuite \(\overline{AK}\) et \(\overline{KB}\). Enfin, il trace la perpendiculaire à \(\overline{AK}\) passant par \(F\), coupant \(\overline{AB}\) en \(N\), \(\overline{AK}\) en \(L\) et le cercle en \(M\).

Il remarque d’abord que puisque \(\overline{AG}\) est un diamètre, \(\overset{\displaystyle \frown}{CG} \cong \overset{\displaystyle \frown}{GD}\). Puisque la corde \(\overline{CD}\) est le côté d’un pentagone régulier, les cordes \(\overline{CG}\) et \(\overline{GD}\) sont  les côtés d’un décagone régulier.

Le segment \(\overline{FK}\) étant perpendiculaire à \(\overline{AB}\) et \(\overline{FB} \cong \overline{FA}\), on trouve (par I.26) que \(\angle AFK \cong \angle BFK\). Comme \(\overline{AB}\) est le côté d’un pentagone régulier, cela implique que \(\overline{BK}\) et \(\overline{KA}\) sont aussi les côtés d’un décagone régulier.

De la même manière, \(\overline{FM}\) étant perpendiculaire à \(\overline{AK}\), on observe que \(\overline{AL} \cong \overline{LK}\) et \(\overset{\displaystyle \frown}{AM} \cong \overset{\displaystyle \frown}{MK}\).

Par la suite Euclide s’attarde à montrer deux choses : les triangles \(ABF\) et \(FBN\) sont semblables, tout comme les triangles \(ABK\) et \(AKN\). On a \begin{align} 2 \; m\overset{\displaystyle \frown}{CG} & = m\overset{\displaystyle \frown}{CD} \\ \\ &= m\overset{\displaystyle \frown}{AB} \\ \\ &= 2 \; m\overset{\displaystyle \frown}{BK} \end{align}c’est-à-dire que \begin{align} m\overset{\displaystyle \frown}{CG} = m\overset{\displaystyle \frown}{BK} &=m\overset{\displaystyle \frown}{AK}\\ \\ &= 2\; m\overset{\displaystyle \frown}{KM}\end{align}et \[m\overset{\displaystyle \frown}{CB} = 2\;m\overset{\displaystyle \frown}{BK}\]En additionnant, on a \[m\overset{\displaystyle \frown}{BCG} = 2\; m\overset{\displaystyle \frown}{BKM}\]ou, en considérant les angles au centre, \[m\angle BFG = 2\;m\angle BFN\]Sauf que \[m\angle BFG = 2\;m\angle FAB\]puisque l’angle \(FAB\) inscrit intercepte le même arc que l’angle au centre \(BFG\). En substituant, on trouve \[m\angle FAB= m\angle BFN\]Ainsi, les triangles \(ABF\) et \(FBN\) on un angle en commun, \(\angle ABF\), et des angles isométriques \[\angle FAB \cong \angle BFN\]ce qui fait que les triangles sont semblables ! \[\bigtriangleup ABF \sim \bigtriangleup FBN\]D’autre part, puisque \(\overline{AL} \cong \overline{LK}\), et que les angles en \(L\) sont des angles droits, on trouve que \[\overline{AN} \cong \overline{NK}\]ainsi que, comme dans un triangle isocèle les angles opposés aux côtés isométriques sont isométriques, \begin{align} \angle NKA &\cong \angle NAK \\ \\ &\cong \angle KBA\end{align}Ainsi, les triangles \(ABK\) et \(AKN\) ont un angle en commun, \(\angle NAK\), et des angles isométriques \[\angle ABK \cong \angle AKN\]Les triangles sont semblables \[\bigtriangleup ABK \sim \bigtriangleup AKN\]Maintenant, puisque \(\bigtriangleup ABF \sim \bigtriangleup FBN\), on pose la proportion\[\frac{m\overline{AB}}{m\overline{BF}} = \frac{m\overline{BF}}{m\overline{BN}}\]ou, de manière équivalente,\[m\overline{AB} \cdot m\overline{BN} = \left(m\overline{BF}\right)^{2}\]En utilisant l’autre similitude, \(\bigtriangleup ABK \sim \bigtriangleup AKN\), on trouve \[\frac{m\overline{BA}}{m\overline{AK}} = \frac{m\overline{AK}}{m\overline{AN}}\]ou, de manière équivalente,\[m\overline{BA} \cdot m\overline{AN} = \left(m\overline{AK}\right)^{2}\]Ainsi, en additionnant les égalités,\[m\overline{AB} \cdot m\overline{BN}  + m\overline{BA} \cdot m\overline{AN} = \left(m\overline{BF}\right)^{2} + \left(m\overline{AK}\right)^{2}\]c’est-à-dire \begin{align*} m\overline{AB} \cdot \left(m\overline{AN} + m\overline{BN}\right) &=\left(m\overline{BF}\right)^{2} + \left(m\overline{AK}\right)^{2} \\ \left(m\overline{AB}\right)^{2} &= \left(m\overline{BF}\right)^{2} + \left(m\overline{AK}\right)^{2}\end{align*}

On vérifie la relation de Pythagore, avec \(AB\) le côté d’un pentagone, \(BF\) d’un hexagone (c’est le rayon du cercle) et \(AK\) d’un décagone.