Lorsque les diagonales se croisent

On place \(n\) points sur la circonférence d’un cercle pour former un polygone à \(n\) côtés tout en s’assurant qu’il n’y ait pas trois de ses diagonales ou plus qui se coupent en un même point.

Un classique

Combien y a-t-il de diagonales dans un tel polygone à \(n\) côtés ?

Une diagonale relie deux sommets qui ne sont pas adjacents. Pour tracer toutes les diagonales du polygone, on relie chaque sommet à tous les autres sommets, sauf trois : on ne peut relier un sommet à lui-même et aux deux sommets qui lui sont adjacents (en fait le sommet est déjà relié aux deux sommets qui lui sont adjacents par deux des côtés du polygone). Puisqu’il y a \(n\) sommets et que chaque sommet est relié à \(n-3\) autres sommets, on pourrait croire qu’il y a \(n(n-3)\) diagonales mais on ferait erreur. Chaque diagonale a deux extrémités, elle relie deux sommets. L’expression \(n(n-3)\) compte donc les diagonales en double. On a plutôt \[\text{nombre de diagonales} = \frac{n(n-3)}{2}\]Génial non ? 

Dans le polygone ci-dessus à \(9\) côtés, inutile de compter les diagonales une par une : il y en a \[\frac{9(9-3)}{2} = \frac{9\cdot 6}{2} = 27\]

La suite

Combien y a-t-il de points d’intersection formés par les diagonales ?

Hmmm… là, ça semble moins évident. Combien de points d’intersection ces diagonales forment-elles en effet ? Lorsque j’ai donné ce problème à un collègue, il s’est empressé de faire ce que tout bon matheux fait : étudier d’abord les petits cas, consigner les données et y chercher une régularité.

Nombre de côtés \(n\)
Nombre de points d'intersection formés par les diagonales
4
1
5
5
6
15
7
35
8
70
9
126
...
...

Je dois avouer que pour ma part, ces nombres ne me disaient pas grand chose. Une petite analyse des accroissements semble éventuellement révéler un polynôme de degré 4 [1].

Mais en tant que fin amateur du triangle de Pascal, mon collègue a tout de suite remarqué ceci : 

 

Comment cela pourrait-il nous aider à découvrir la solution ? En comptant à partir du 0e étage du triangle, l’allée verte apparaît pour la première fois seulement au quatrième étage. Ce n’est peut-être pas si surprenant sachant que les triangles n’ont pas de diagonales et qu’on ne peut considérer des polygones à \(0\), \(1\) ou \(2\) côtés. Considérant ensuite que les entrées du triangle correspondent aux coefficients binomiaux, le premier \(1\) vert peut être interprété comme le nombre de façons de choisir sans répétition et sans ordre \(4\) éléments dans un ensemble de \(4\) éléments. Le \(5\) vert qui suit, au cinquième étage, correspond au nombre de façons de choisir sans répétition et sans ordre \(4\) éléments dans un ensemble de \(5\) éléments. Le \(15\) vert qui suit correspond au nombre de façon de choisir sans répétition et sans ordre \(4\) éléments dans un ensemble de \(6\) éléments. Et ainsi de suite… Comment tout cela se traduit-il géométriquement ? 

Si on choisit quatre sommets parmi les \(n\) sommets du polygone, on forme un quadrilatère. Ce quadrilatère possède deux diagonales qui se coupent ! Bien sûr, les diagonales du quadrilatère appartiennent aussi au polygone à \(n\) côtés. Et chaque couple de diagonales du polygone à \(n\) côtés, qui définissent chaque point d’intersection, appartient à un quadrilatère unique. Ainsi, le nombre de points d’intersection des diagonales correspond au nombre de quadrilatères qu’il est possible de former avec les \(n\) sommets. En d’autres mots, c’est le nombre de façons de choisir sans répétition et sans ordre \(4\) sommets dans un ensemble de \(n\) sommets. \begin{align*}\text{nombre de points d’intersection} &= \binom{n}{4}\\ \\  &= \frac{n!}{4!(n-4)!}\end{align*}

 

[1]  Pour les curieux, le polynôme en question est \[\frac{1}{24}\left(n^{4}-6n^{3}+11n^{2}-6n\right)\]

La somme des \(n\) premiers entiers (bis)

On a déjà vu la méthode « classique » au début de ce billet, ici. Là, on s’intéresse à la version combinatoire.

On considère l’ensemble \[\left\{0, \, 1, \, 2,\, 3,\ \dots \ , \, n \right\}\]De combien de façons peut-on choisir deux nombres de cet ensemble qui contient \(n+1\) éléments ?

D’une part, si on se rappelle nos combinaisons, il y a \begin{align*}\binom{n+1}{2} &= \frac{(n+1)!}{2!(n+1-2)!} \\ \\ &=\frac{(n+1)(n)(n-1)!}{(2)(1)(n-1)!}\\ \\ &=\frac{n(n+1)}{2}\end{align*}façons de choisir deux nombres de cet ensemble qui contient \(n+1\) éléments.

D’autre part, si on choisit deux nombres dans \(\left\{0, \, 1, \, 2,\, 3,\, \dots, \, n \right\}\), il y aura forcément un nombre plus grand que l’autre. Puisque \(0\) ne peut être le plus grand nombre, celui-ci sera choisi dans l’ensemble \(\left\{1, \, 2, \, 3, \ \dots  \ , \, n\right\}\) qui comporte \(n\) éléments. Disons que ce nombre est \(k\). Le plus petit nombre peut donc être choisi dans l’ensemble suivant \[\left\{0,\, 1,\, 2,\, 3, \ \dots \ , \, k-1\right\}\]qui comporte \(k\) éléments. En d’autres mots, pour chacune des possibilités pour le plus grand nombre, il y a \(k\) possibilités pour le plus petit nombre. Ainsi, le nombre de sélections possibles est donc \[\sum_{k=1}^{n}k=1 + 2 + 3 + \ \dots \ + n\]

Puisqu’on a compté la même chose de deux manières différentes, on a \[\sum_{k=1}^{n} k = \frac{n(n+1)}{2}\]

Référence : Benjamin, Arthur T. et Jennifer J. Quinn, Proofs that Really Count : The Art of Combinatorial Proof, MAA Press, 2003

\(A\sin(x+\alpha) + B\cos(x+\beta)\)

Bon, le titre n’est pas très original, et cette introduction ne l’est guère plus, mais nous allons nous intéresser aux expressions de cette forme \[A\sin(x+\alpha)+B\cos(x+\beta)\]Commençons d’abord avec le cas plus simple dans lequel \(\alpha=0\) et \(\beta=0\). Quiconque s’est déjà amusé à additionner des fonctions sinus ou cosinus (de même période) dans une calculatrice graphique a pu observer que le résultat est une fonction périodique qui ressemble à un sinusoïde. Par exemple, si je trace la fonction \[f(x) = 3\sin(x) + 4\cos(x)\]j’obtiens ce qui semble être une fonction périodique qui oscille entre \(-5\) et \(5\).

Si je trace en plus dans le même plan la fonction \[g(x) = 5\cos(x)\]la ressemblance est frappante. Il semble s’agir de la même fonction, mais déphasée.

Les apparences ne sont pas trompeuses. La fonction \(f\) est réellement un sinusoïde.

En effet, il est possible de trouver des valeurs \(C\) et \(\gamma\) telles que \[A\sin(x) + B\cos(x) = C \cos(x-\gamma)\]Avec la formule de différence d’angles du cosinus, on obtient \begin{align*}C\cos(x-\gamma) &= C\left(\cos(x)\cos(\gamma) + \sin(x)\sin(\gamma)\right) \\ \\ &= C\sin(\gamma)\sin(x) + C\cos(\gamma)\cos(x)\end{align*}En posant, \[\textcolor{Green}{A}\sin(x) + \textcolor{Red}{B}\cos(x) = \textcolor{Green}{C\sin(\gamma)}\sin(x) + \textcolor{Red}{C\cos(\gamma)}\cos(x)\]on observe que \(A = C\sin(\gamma)\) et \(B= C\cos(\gamma)\). Comment déterminer les valeurs de \(C\) et \(\gamma\) pour une somme donnée ? On utilise deux relations trigonométriques bien connues. Pour \(C\), on a \begin{align*}A^{2}+B^{2}&=\left(C\sin(\gamma)\right)^2 +\left(C\cos(\gamma)\right)^{2} \\ \\ &=C^{2}\sin^2(\gamma) + C^{2}\cos^2(\gamma) \\ \\ &=C^{2}\left(\sin^{2}(\gamma) + \cos^{2}(\gamma)\right) \\ \\ &= C^{2}\end{align*}car \[\sin^{2}(\gamma) + \cos^{2}(\gamma) = 1\]On obtient donc\[C = \pm \sqrt{A^{2} + B^{2}}\]Pour \(\gamma\), on a \begin{align*}\frac{A}{B} &= \frac{C\sin(\gamma)}{C\cos(\gamma)} \\ \\ &= \frac{\cancel{C}\sin(\gamma)}{\cancel{C}\cos(\gamma)} \\ \\ &= \frac{\sin(\gamma)}{\cos(\gamma)}\\ \\ &= \tan(\gamma)\end{align*}On obtient donc\[\gamma = \arctan\left(\frac{A}{B}\right)\]Il est possible de toujours choisir la racine positive pour \(C\) en ajustant la valeur de \(\gamma\). Si \(B\geq 0\), \(\gamma = \arctan\left(\frac{A}{B}\right)\) alors que si \(B<0\), \(\gamma = \arctan\left(\frac{A}{B}\right) + \pi \). Si on préfère s’en tenir aux valeurs de l’arctangente sans ajustement, on peut aussi choisir la racine négative \(C = -\sqrt{A^2 + B^2}\) lorsque \(B<0\) et positive \(C = \sqrt{A^2 + B^2}\) lorsque \(B\geq 0\).

Entre autres choses, cela nous permet de résoudre des équations de cette forme ou de trouver des maximums ou des minimums plus aisément.

Résoudre \[12\sin(x) + 5\cos(x) = 0\]sur l’intervalle \(\left[0, \, 2\pi\right]\)

On pose \begin{align*}C &= \sqrt{12^{2}+5^{2}} \\ \\ &=\sqrt{144+25} \\ \\ &=\sqrt{169} \\ \\ &=13\end{align*}ainsi que \begin{align*}\gamma &=\arctan\left(\frac{12}{5}\right) \\ \\ &= \arctan(2,\!4) \\ \\  &\approx 1,\!176\end{align*}On peut donc résoudre \[13 \cos(x-\arctan(2,\!4)) = 0\]On divise par \(13\) de chaque côté \[\cos(x-\arctan(2,\!4)) = 0\]On obtient \[x-\arctan(2,\!4)= \frac{\pi}{2}\] ou \[x-\arctan(2,\!4) = \frac{3\pi}{2}\]ce qui fait \begin{align*}x &= \frac{\pi}{2} + \arctan(2,\!4) \\ \\ &\approx 2,\!747\end{align*} ou \begin{align*}x &= \frac{3\pi}{2} + \arctan(2,\!4) \\ \\ &\approx 5,\!888\end{align*}

Quel est le maximum de la fonction \[f(x) = 8\sin(x) + 15\cos(x)\]sur l’intervalle \(\left[0,\, 2\pi \right]\) et pour quelle valeur de \(x\) a-t-on ce maximum ?

On pose \begin{align*}C &= \sqrt{8^{2}+15^{2}} \\ \\ &=\sqrt{64+225} \\ \\ &=\sqrt{189} \\ \\ &=17\end{align*}ainsi que \begin{align*}\gamma &=\arctan\left(\frac{8}{15}\right) \\ \\ &\approx 0,\!490\end{align*}

Le maximum de la fonction \[g(x) = 17\cos\left(x-\arctan\left(\frac{8}{15}\right)\right)\] est \(17\) et celui-ci est obtenu lorsque \(x = \arctan\left(\frac{8}{15}\right) \approx 0,\!490\).

Si \(\alpha \neq 0\) et/ou \(\beta \neq 0\)

Qu’arrive-t-il si \(\alpha \neq 0\) ou \(\beta \neq 0\) ? La somme est-elle encore un sinusoïde si une des deux fonctions (ou les deux) a d’abord subi un déphasage ? La réponse est oui. Il suffit d’appliquer les formules d’addition d’angles et de regrouper. \begin{align*}A\sin(x+\alpha)+B\cos(x+\beta) &=A\big(\!\sin(x)\cos(\alpha)+\sin(\alpha)\cos(x)\big)+B\big(\!\cos(x)\cos(\beta)-\sin(x)\sin(\beta)\big)\\ \\ &=A\cos(\alpha)\sin(x)+A\sin(\alpha)\cos(x)+B\cos(\beta)\cos(x)-B\sin(\beta)\sin(x) \\ \\ &=\big(\!A\cos(\alpha)-B\sin(\beta)\big)\sin(x) + \big(A\sin(\alpha)+B\cos(\beta)\big)\cos(x)\end{align*}On retrouver une expression de la forme \[A_{1}\sin(x) + B_{1}\cos(x)\]dans laquelle \(A_{1}=A\cos(\alpha)-B\sin(\beta)\) et \(B_{1}=A\sin(\alpha)+B\cos(\beta)\).

Un exemple numérique

Considérons l’expression \[5\sin\left(x+\frac{5\pi}{6}\right) + 3\cos\left(x+\frac{2\pi}{3}\right)\]On applique les formules d’addition d’angles \begin{align*}5\sin\left(x+\frac{5\pi}{6}\right)+3\cos\left(x+\frac{2\pi}{3}\right) &=5\left(\sin(x)\cos\left(\frac{5\pi}{6}\right)+\sin\left(\frac{5\pi}{6}\right)\cos(x)\right) + 3\left(\cos(x)\cos\left(\frac{2\pi}{3}\right)-\sin(x)\sin\left(\frac{2\pi}{3}\right)\right) \\ \\ &=5\cos\left(\frac{5\pi}{6}\right)\sin(x)-3\sin\left(\frac{2\pi}{3}\right)\sin(x) + 5\sin\left(\frac{5\pi}{6}\right)\cos(x)+3\cos\left(\frac{2\pi}{3}\right)\cos(x) \\ \\ &=\left(5\cos\left(\frac{5\pi}{6}\right)-3\sin\left(\frac{2\pi}{3}\right)\right)\sin(x) + \left(5\sin\left(\frac{5\pi}{6}\right)+3\cos\left(\frac{2\pi}{3}\right)\right)\cos(x) \\ \\ &=\left(5\left(-\frac{\sqrt{3}}{2}\right)-3\left(-\frac{\sqrt{3}}{2}\right)\right)\sin(x) + \left(5\left(\frac{1}{2}\right)+3\left(-\frac{1}{2}\right) \right)\cos(x) \\ \\ &=\left(\frac{-8\sqrt{3}}{2}\right)\sin(x)+\cos(x) \\ \\ &=-4\sqrt{3}\sin(x) + \cos(x)\end{align*}

On a une expression de la forme \[A\sin(x) + B\cos(x)\] avec \(A = -4\sqrt{3}\) et \(B = 1\). On trouve \begin{align*}C &= \pm\sqrt{\left(-4\sqrt{3}\right)^2 + 1^2} \\ \\ &=\sqrt{48+1} \\ \\ &=\sqrt{49} \\ \\ &=7\end{align*}D’autre part, on trouve \begin{align*} \gamma &=\arctan\left(\frac{-4\sqrt{3}}{1}\right) \\ \\ &\approx -1,\!427449\end{align*}Ainsi, on peut vérifier avec la calculatrice graphique que \begin{align*}5\sin\left(x+\frac{5\pi}{6}\right) + 3\cos\left(x+\frac{2\pi}{3}\right) &= 7\cos\left(x-\arctan\left(-4\sqrt{3}\right)\right) \\ \\ &\approx 7\cos(x+1,\!427449)\end{align*}