La preuve par induction est souvent courte et commodément efficace, même économique, mais elle remplace parfois d’autres méthodes généralement plus riches et plus belles. On arrive parfois à se demander comment aurait-on pu « deviner » l’hypothèse d’induction (pensez à certaines preuves en analyse ou en mathématiques discrètes). Cela laisse à l’occasion un goût amer dans la bouche.
Voici donc une jolie preuve par induction, bien courte, d’un résultat qui semble de prime abord intangible et imperméable à nos lignes d’attaque habituelles.
On trace \(n\) droites dans le plan. Les régions ainsi formées par les \(n\) droites peuvent toujours être coloriées avec deux couleurs, de manière à ce qu’aucune région ait la même couleur que sa ou ses régions voisines, c’est-à-dire les régions qui partagent avec elle un segment de droite comme frontière.
On réintroduit la \((n+1)\)ième droite.Cette droite sépare le plan en deux demi-plans. On choisit un de ces deux demi-plans et on change systématiquement les couleurs dans chacune des régions de ce demi-plan : les régions noires deviennent blanches et les régions blanches deviennent noires. On laisse l’autre demi-plan (de l’autre côté de la droite) intact. Le plan est maintenant adéquatement colorié !En effet,
- si deux régions du plan séparé par les \(n+1\) droites ont une frontière composée d’un segment appartenant à une des premières \(n\) droites, alors ces régions avaient déjà des couleurs différentes avant l’introduction de la \((n+1)\)ième droite. En introduisant la \((n+1)\)ième droite, on laisse ces couleurs déjà différentes telles quelles ou on les changes toutes les deux.
- si deux régions ont une frontière composée d’un segment appartenant à la \((n+1)\)ième droite, alors avant l’introduction de la \((n+1)\)ième droite, elles faisaient partie de la même région et donc étaient coloriées de la même couleur. En introduisant la \((n+1)\)ième droite, on change les couleurs d’une des deux régions, d’un côté de la droite, mais pas de l’autre. Ces régions nouvellement voisines ont donc maintenant des couleurs différentes.
Référence : Akiva Moiseevich Yaglom et Isaak Moiseevich Yaglom (1967), Challenging Mathematical Problems with Elementary Solutions Vol. II