Le volume de la pyramide expliqué aux enfants

Bien embêté est celui qui veut convaincre un jeune de troisième secondaire que le volume d’une pyramide est égal au tiers du volume du prisme de même base et de même hauteur, sans recourir à quelconque artifice des mathématiques supérieures.  Quand je demande aux élèves « pourquoi est-ce ainsi ? », ils me répondent unanimement qu’ils ont vu leur enseignant, armé de ces solides creux de plastique et d’un verre d’eau, remplir le prisme d’eau avec le contenu de trois pyramides.  Voilà ! Ça rentre trois fois !  Ils sont convaincus.  Comment leur faire part, alors, que la réalisation de cette expérience est possible parce que le volume de la pyramide de même base et de même hauteur est le tiers de celui du prisme et non l’inverse !  Distinction importante, confusion inévitable.

Bon voici.  On a seulement besoin d’un petit résultat préliminaire, déjà examiné dans ce billet : la somme des \(n\) premiers carrés.  La sommes des \(n\) premiers carrés est : \[\frac{n(n+1)(2n+1)}{6}\]Commençons.  Nous allons construire une pyramide un peu approximative, un peu grossière, comme si elle était faite de blocs.  Le premier étage est composé d’un seul bloc, dont on fixera, pour les besoins de la cause, les dimensions à \(a\times a\times b\).  Le deuxième étage est composé de quatre blocs isométriques.  Le troisième étage de neuf de ces blocs isométriques.  Et ainsi de suite…

Notre « pyramide » possède \(n\) étages comme dans le schéma suivant

La volume de la « pyramide » sera donc égal à la somme des volumes des étages.  On obtient \[V_{p} = a^{2}b+4a^{2}b+9a^{2}b+\dots +n^{2}a^{2}b\]En mettant \(a^{2}b\) en évidence, on obtient \[V_{p}=a^{2}b\left(1+4+9+\dots+n^{2}\right)\]On reconnait immédiatement la somme des \(n\) premiers carrés dans la parenthèse.  On peut donc réécrire la dernière formule comme \[V_{p}=a^{2}b\left(\frac{n(n+1)(2n+1)}{6}\right)\]que l’on développe pour obtenir \[V_{p}=a^{2}b\left(\frac{2n^{3}+3n^{2}+n}{6}\right)\]Pour des raisons encore obscures, mais qui deviendront rapidement apparentes, on décide me mettre en évidence le cube de \(n\) dans la parenthèse \[V_{p}=a^{2}b\cdot n^{3}\left(2+\frac{3}{n}+\frac{1}{n^{2}}\right)\left(\frac{1}{6}\right)\]On trouve d’abord que la hauteur de la « pyramide » est égale à \(n\) fois (il y a, après tout, \(n\) étages) la hauteur \(b\) du prisme à base carré. Si \(h\) est la hauteur de la « pyramide », alors on a \[h=bn\]On trouve ensuite une expression pour l’aire de la base de la « pyramide ».  En effet, au énième et ultime étage, il y a \(n^{2}\) petits carrés d’aire \(a^{2}\)  .  Si \(A_{b}\) est l’aire de la base de la « pyramide », alors on a \[A_{b} = a^{2}n^{2}\]Le besoin de mettre le cube de \(n\) en évidence est maintenant clair, on peut réécrire \[V_{p} = a^{2}b \cdot n^{3}\left(2+\frac{3}{n}+\frac{1}{n^{2}}\right)\left(\frac{1}{6}\right)\]comme \[V_{p}=\left(a^{2}n^{2}\right)\left(bn\right)\left(2+\frac{3}{n}+\frac{1}{n^{2}}\right)\left(\frac{1}{6}\right)\]ce qui est équivalent à \[V_{p}= A_{b}\cdot h\left(2+\frac{3}{n}+\frac{1}{n^{2}}\right)\left(\frac{1}{6}\right)\]La clé du raisonnement est ici.  En fixant l’aire de la base et la hauteur, et mais en augmentant le nombre d’étages \(n\), on obtient un solide qui s’apparente de plus en plus à la pyramide recherchée.  Si \(n\) augmente, alors \(a^{2}\) (et donc \(a\)) diminue dans \[A_{b} = a^{2}n^{2}\]En d’autres mots, le sommet de la “pyramide” devient de plus en plus pointu.  Si bien qu’en faisant tendre \(n\) vers l’infini, \(a^{2}\) (et donc aussi \(a\)) tend vers zéro.  D’autre part, si \(n\) augmente, \(b\) diminue dans \[h=bn\]En d’autres mots, les faces de la « pyramide » deviennent de plus en plus « lisses » : les marches plus nombreuses, mais les contre-marches plus petites.  Si bien qu’en faisant tendre \(n\) vers l’infini, \(b\) tend vers zéro.  En faisant tendre \(n\) vers l’infini, on obtient notre pyramide !  Dans la formule, les termes \[\frac{1}{n} \quad \text{et} \quad \frac{1}{n^{2}}\]tendent alors tous les deux vers zéro lorsque \(n\) tend vers l’infini.  On obtient donc \[V_{p} = A_{b}\cdot h\left(2+0+0\right)\left(\frac{1}{6}\right)\]ce qui fait\[V_{p}=\frac{A_{b}\cdot h}{3}\]La fameuse formule recherchée !

Nombres premiers et collègue extraordinaire…

Tout le monde n’a pas la chance que j’ai d’avoir un collègue aussi extraordinaire. Un collègue qui vous surprend toujours avec des trucs curieux et formidables. La semaine passée, Monsieur C. me dit sur l’heure du dîner :

Je suis tombé sur quelque chose de vraiment formidable. Choisis un grand nombre premier ( “grand nombre premier” voulant dire plus grand que \(3\)). Élève le au carré. Ajoute \(11\). Le reste de la division par \(24\) est \(12\). Pourquoi ça fonctionne ?

\(13\) est un nombre premier.

Le carré de \(13\) est \(169\).

\[169 + 11 = 180\]

Et \(180\) divisé par \(24\) donne \(7\) reste \(12\). Ah !

Pourquoi en effet. Si vous êtes comme moi, vous arrêterez de lire ce billet et vous plancherez sur ce problème.

Considérons un de ces grands nombres premiers \(p>3\).

Le texte nous dit qu’on peut trouver un \(k \in \mathbb{N}\) tel que \[p^{2}+11 = 24k + 12\]ou, en d’autres mots, \[p^{2}-1=24k\]

Il suffit de montrer que \[p^{2}-1\]est divisible par \(24\). Mince affaire ! En factorisant la différence de carrés, on obtient \[(p-1)(p+1)\]Comme \(p\) est un nombre premier plus grand que \(3\), il est impair. \(p-1\) et \(p+1\), l’entier immédiatement inférieur et l’entier immédiatement supérieur à \(p\), sont donc pairs. Le membre de gauche est donc divisible par \(4\). Mais ce n’est pas tout. Soit \(p-1\), soit \(p+1\) doit en réalité non seulement être divisible par \(2\) mais même par \(4\) car ce sont deux nombres pairs consécutifs. Le produit \((p-1)(p+1)\) est donc divisible par \(8\). Cela n’explique pas pourquoi il le serait par \(24\), il faut trouver un facteur \(3\).

Mais bien sûr ! Les nombres \(p-1\), \(p\) et \(p+1\) sont trois nombres consécutifs. Un de ces nombres est donc nécessairement divisible par \(3\). Cela ne peut pas être \(p\) car on a choisit \(p>3\). Ainsi, soit \(p-1\), soit \(p+1\) est divisible par \(3\). Un nombre divisible par \(8\) et par \(3\) est divisible par \(24\). Voilà !