La formule pour calculer la somme des \(n\) premiers entiers est : \[s = \frac{n(n+1)}{2}\]Je vous épargne l’histoire, bien connue, du jeune Carl Friedrich Gauss et de sa sommation des 100 premiers entiers… alors qu’il était en sixième année. La technique employée pour retrouver cette formule est bien connue. On somme \[s=1+2+3+ \, \dots \,+ (n-2)+(n-1)+n\]On permute chacun des termes \[s = n+(n-1) +(n-2)+ \, \dots \, +3+2+1\]Il suffit ensuite d’additionner ces équations terme à terme \[2s = (n+1) + (n+1) + (n+1) + \, \dots \, + (n+1)+(n+1)+(n+1)\]Il y a en outre \(n\) fois ces termes \((n+1)\) et en divisant par \(2\) on obtient \[s = \frac{n(n+1)}{2}\]Moins connue est la formule pour calculer la somme des n premiers carrés. Ou peut-être je m’exprime mal : la formule en elle-même est connue et, dans la plupart des livres, on fournit même une preuve de sa validité en utilisant le principe d’induction. Or, pour ce type de preuve, il faut connaître la formule au départ. Ça prend beaucoup d’intuition pour trouver, en jonglant avec quelques nombres \[S=\frac{n(n+1)(2n+1)}{6}\]Une façon d’y arriver est de considérer les sommes des cinq premiers carrés, \(1\), \(5\), \(14\), \(30\), \(55\). On trouve que les accroissements entre les accroissements entre les accroissements entre deux carrés consécutifs sont constants, ce qui est caractéristique d’une fonction polynomiale de degré trois. En utilisant quatre des ces sommes et en résolvant le système d’équations, on trouve ladite fonction. Par la suite, il suffit de prouver, par induction, sa validité pour \(n\in \mathbb{N}\). Je vous propose une autre façon de procéder, plus élégante.
Mais d’abord un petit préambule. Nous allons commencer avec la preuve d’une autre formule, celle de la somme des \(k\) premiers impairs, qui utilise, en quelque sorte, la même stratégie.
La somme des \(k\) premiers impairs
En étudiant les différences des carrés de nombres entiers successifs suivantes \begin{align*}1^{2}-0^{2}&=1 \\ \\ 2^{2}-1^{2}&=3 \\ \\ 3^{2}-2^{2}&=5 \\ \\ 4^{2}-3^{2}&=7 \\ \\ 5^{2}-4^{2}&=9 \\ \\ &\dots \end{align*}quelque chose de remarquable apparait ! D’une part, on génère la suite des nombres impairs à droite, d’autre part ces différences de carrés sont égales à la somme des nombres entiers consécutifs considérés \begin{align*}1+0 &=1 \\ \\ 2+1&=3 \\ \\ 3+2 &= 5 \\ \\ 4+3 &=7 \\ \\ 5+4&=9 \\ \\ &\dots \end{align*}En général, si on pose \[k^{2}-(k-1)^{2}\](donc le carré de l’entier \(k-1\) et le carré de l’entier immédiatement supérieur \(k\)) on obtient \[k^{2}-\left(k^{2}-2k+1\right)\]ce qui donne \[2k-1\]ou \[k + (k-1)\]C’est bien un nombre impair : que \(k\) soit pair ou impair, \(2k-1\) est impair. Et c’est aussi bien la somme des deux nombres entiers consécutifs \((k-1) + k\).
Quel est la somme des \(k\) premiers impairs ? On pose \[i=2k-1\]et on somme ces égalités jusqu’au \(k\)-ième impair \begin{align*}1^{2}-0^{2}&=1 \\ \\ 2^{2}-1^{2}&=3 \\ \\ 3^{2}-2^{2}&=5 \\ \\ 4^{2}-3^{2}&=7 \\ \\ 5^{2}-4^{2}&=9 \\ \\ &\dots \\ \\ k^{2}-(k-1)^{2} &=i\end{align*}On obtient, à gauche et à droite : \[-0^{2}+1^{2}-1^{2}+2^{2}-2^{2}+3^{2}-3^{2}+ \, \dots \, + (k-1)^{2}-(k-1)^{2}+k^{2}=1+3+5+7+\, \dots \, + i\]Tous ces termes s’annulant deux-à-deux, sauf le dernier, et c’est là la beauté de la chose, on obtient simplement \[k^{2} = 1 + 3 + 5 + 6 + \, \dots \, + i \]La somme recherchée, celle des \(k\) premiers impairs, est donc égale au carré de \(k\).
La somme des \(n\) premiers carrés
Procédons de façon analogue pour trouver la formule de la somme des \(n\) premiers carrés. On commence par développer \[(n+1)^{3}= n^{3}+3n^{2}+3n+1\]Et puisque \begin{align*}1&=0+1 \\ \\ 2&=1+1 \\ \\ 3&=2+1 \\ \\ 4&=3+1 \end{align*}et qu’en général, évidemment, \[n = (n-1) + 1\]on remarque que \begin{align*}1^{3}&=0^{3}+3(0)^{2}+3(0)+1 \\ \\ 2^{3}&=1^{3}+3(1)^{2}+3(1)+1 \\ \\ 3^{2}&=2^{3}+3(2)^{2}+3(2)+1 \\ \\ 4^{3}&=3^{3}+3(3)^{2}+3(3)+1 \\ \\ &\dots \\ \\ n^{3} &= (n-1)^{3}+3(n-1)^{2}+3(n-1)+1 \\ \\ (n+1)^{3}&=n^3 + 3n^{2}+3n + 1\end{align*}Nous allons maintenant additionner ces égalités terme à terme. À gauche, on obtient la somme des \(n+1\) premiers cubes. À droite on obtient \(4\) termes :
La somme des \(n\) premiers cubes
Trois fois la somme des \(n\) premiers carrés (ce qui, en particulier, nous intéresse)
Trois fois la somme des \(n\) premiers entiers
\(n+1\) (et non pas seulement \(n\))
Ensuite, quatre choses plutôt qu’une :
Les \(n\) premiers cubes se simplifient, il reste seulement le cube de \(n+1\) à gauche
La somme des \(n\) premiers carrés étant ce qui nous intéresse, nous appellerons cette somme \(S\)
La somme des \(n\) premiers entiers est connue, c’est \[\frac{n(n+1)}{2}\]
\(n+1\) est simplement \(n+1\)
En tenant compte des points mentionnés ci-dessus, on obtient \[(n+1)^{3}= 3S + 3\left(\frac{n(n+1)}{2}\right)+n+1\]puis en développant \[n^{3}+3n^{2}+3n+1 = 3S + \frac{3n^{2}+3n}{2}+n+1\]Enfin, en isolant \(3S\), qui inclut la somme qui nous intéresse, \[3S = n^{3} + 3n^{2}+3n + 1-\left(\frac{3n^{2}+3n}{2}\right)-(n+1)\]En multipliant par \(2\), on obtient \[6S = 2n^{3}+6n^{2}+6n+2-3n^{2}-3n-2n-2\]et en simplifiant le tout \[6S = 2n^{3}+3n^{2}+n\]La formule recherchée se dévoile. On effectue d’abord la mise en évidence simple \[6S = n(2n^{2}+3n+1)\]et ensuite la factorisation du trinôme \[6S=n(n+1)(2n+1)\]Enfin, en divisant par \(6\), on obtient la formule recherchée \[S = \frac{n(n+1)(2n+1)}{6}\]