Test pour nombres polygonaux

Je viens de voir avec mes élèves de première secondaire comment trouver la somme des mesures des angles intérieurs d’un polygone. Si le polygone est convexe, c’est facile de choisir un sommet et de tracer toutes les diagonales issues de ce sommet (si le polygone est concave c’est plus délicat, il faut tracer des diagonales de plus d’un sommet qui ne se coupent pas).

Les diagonales divisent le polygone en triangles. Puisqu’on ne peut relier un sommet à lui-même ni aux deux sommets qui lui sont adjacents, dans un polygone à n côtés, il y a n3 diagonales qui divisent le polygone en n2 triangles.

Sachant que la somme des mesures des angles intérieurs d’un triangle est 180°, on réussit à trouver ce qu’on cherche facilement :

180+180+180+  +180n2 fois

La somme des mesures des angles d’un polygone à n côtés est (n2)×180.

Cela m’a fait penser à cette petite astuce dans laquelle on considère les diagonales d’un polygone et les nombres polygonaux. Un nombre polygonal est un nombre qu’on peut représenter avec des points disposés en forme de polygone régulier. Les premiers nombres polygonaux qui nous intéressent sont les nombres triangulaires.

Les nombres triangulaires

Les nombres triangulaires sont, sans surprise, les nombres qu’on peut représenter avec un triangle. Les nombres triangulaires sont 1,3,6,10,15,21,28,36,

Le ne nombre triangulaire correspond à la somme des n premiers entiers. Par exemple, le sixième nombre triangulaire est la somme des six premiers entiers t6=1+2+3+4+5+6=21On connaît l’histoire, que dis-je, la légende, d’un jeune Gauss qui réussit à calculer de manière très astucieuse la somme des n premiers entiers. L’expression qui correspond à la somme des n premiers entiers est donc aussi celle qui génère les nombres triangulaires. Si tn représente le ne nombre triangulaire, alors tn=n(n+1)2

Les autres nombres polygonaux

On s’intéresse ensuite aux autres nombres polygonaux. Dans l’ordre, on retrouverait les nombres carrés.

Dans ce cas-ci, on obtient donc la somme des nombres impairs.

Évidemment, on a cn=n2

Suivent les nombres pentagonaux.

L’expression du ne nombre pentagonal est pn=3n2n2

Puisqu’il faut bien s’arrêter quelque part, on termine avec les nombres hexagonaux.

Dans ce cas-ci, c’est hn=2n2nqui nous donne le ne nombre hexagonal.

On constate que les règles qui nous donnent le ne nombre polygonal sont toutes quadratiques. Ce n’est pas surprenant car les nombres polygonaux sont tous des sommes de nombres en progression arithmétique.

  • Le ne nombre triangulaire est la somme des n premiers termes de la suite arithmétique de premier terme 1 et de raison 1.
  • Le ne nombre carré est la somme des n premiers termes de la suite arithmétique de premier terme 1 et de raison 2.
  • Le ne nombre pentagonal est la somme des n premiers termes de la suite arithmétique de premier terme 1 et de raison 3.
  • Le ne nombre hexagonal est la somme des n premiers termes de la suite arithmétique de premier terme 1 et de raison 4.
  • En général, le ne nombre kgonal est la somme des n premiers termes de la suite arithmétique de premier terme 1 et de raison k2.

Si π(k,n) est le ne nombre kgonal, alors π(k,n)=i=0n11+(k2)i

123456 789
Nombres triangulaires1  3  6  10 15 21 283645
Nombres carrés149162536496481
Nombres pentagonaux15122235517092117
Nombres hexagonaux161528456691120120
Nombres heptagonaux1718345581112148189
Nombres octogonaux1821406596133176225

 

Les diagonales (bis)

Qu’obtient-on lorsqu’on trace les diagonales issues d’un sommet dans ces polygones ? Des triangles, bien sûr ! Cela nous permet de découvrir une jolie relation qui lie les nombres polygonaux aux nombres triangulaires. Cette relation génère les formules trouvées ci-haut et, avec quelques manipulations algébriques supplémentaires, un test pour savoir si un nombre est kgonal ou non.

Puisqu’il sera possible d’obtenir deux triangles en traçant la diagonale issue d’un sommet dans un carré, un moment suffit pour nous convaincre que cn=tn+tn1De manière analogue, on constate que dans le pentagone, on obtiendra trois triangles et que pn=tn+2tn1

Enfin, le cas de l’hexagone, avec ses quatre triangles,

nous permet d’obtenir hn=tn+3tn1Puisque le kgone se divisera en k2 triangles, on trouve π(k,n)=tn+(k3)tn1c’est-à-dire un triangle de tn et k3 triangles de tn1 ce qui fait k2 triangles au total. En se rappelant que tn=n(n+1)2la relation précédente nous permet de trouver une expression générale pour le ne nombre kgonal.π(k,n)=tn+(k3)tn1=n(n+1)2+(k3)(n1)(n)2=n2+n2+(k3)n2n2=n2+n+(k3)(n2n)2=n2+n+kn23n2kn+3n2=(k2)n2(k4)n2

Ainsi, si k=4, on obtient π(4,n)=(42)n2(44)n2=2n2+(0)n2=2n22=n2=cn

Si k=5, on a π(5,n)=(52)n2(54)n2=3n2n2=pn

Enfin, si k=6, π(6,n)=(62)n2(64)n2=4n22n2=2n2n=hnce qu’on avait plus tôt !

 

Le test pour nombres polygonaux

L’expression précédente peut servir de test. Par exemple, le nombre 341 est-il un nombre octogonal ? On pose k=8 et π(8,n)=341 : 341=(82)n2(84)n2341=6n24n2341=3n22n0=3n22n3410=3n233n+31n3410=3n(n11)+31(n11)0=(n11)(3n+31)En ignorant la deuxième solution, n=313, et en conservant n=11, on trouve qu’effectivement, 341 est le 11e nombre octogonal.

Le nombre 219 est-il un nombre heptagonal ? On pose k=7 et π(7,n)=219 : 219=(72)n2(74)n2219=5n23n2438=5n23n0=5n23n438Ici, on ne peut factoriser aisément. Le calcul du discriminant nous donne Δ=(3)24(5)(438)=8769Puisque 8769>8649=932 et 8769<8836=942, le discriminant n’est pas un carré et les solutions sont irrationnelles. Conclusion : le nombre 219 n’est pas une nombre heptagonal.

Il faut donc résoudre une équation quadratique chaque fois. Et si jamais elle est difficilement factorisable avec la méthode somme-produit, il faut calculer le discriminant et vérifier si celui-ci est un carré ou non. Il est donc souhaitable de faire un peu plus de travail en amont afin que le voyage soit ensuite plus tranquille.

On considère un nombre x. On multiplie d’abord chaque côté par 8(k2) puis on complète le carré : x=(k2)n2(k4)n28(k2)x=8(k2)2n28(k2)(k4)n28(k2)x=4(k2)n24(k4)(k2)n8(k2)x=(2(k2)n)24(k4)(k2)n+(k4)2(k4)28(k2)x=(2(k2)n(k4))2(k4)28(k2)x+(k4)2=(2(k2)n(k4))2

À quoi tout cela rime ? Si x est un nombre kgonal, alors 8(k2)x+(k4)2 est un carré parfait. On peut aussi trouver son rang facilement. En gardant la racine positive à la deuxième étape, on obtient 8(k2)x+(k4)2=(2(k2)n(k4))28(k2)x+(k4)2=2(k2)n(k4)8(k2)x+(k4)2+(k4)=2(k2)n8(k2)x+(k4)2+(k4)2(k2)=n

Pour terminer, deux derniers exemples. Le nombre 1001 est-il pentagonal ? Je le multiplie par 8(k2)=8(52)=8(3)=24 et j’ajoute (k4)2=(54)2=12=1.24(1001)+1=24024+1=24025Est-ce que 24025 est un nombre carré ? Oui ! 24025=1552Cela veut dire que 1001 est un nombre pentagonal. Pour trouver le rang, j’ajoute k4=54=1 et je divise par 2(k2)=2(52)=2(3)=6155+16=1566=26Ainsi, 1001 est le 26e nombre pentagonal.

Le nombre 1125 est-il un nombre hexagonal ? Je le multiple par 8(k2)=8(62)=8(4)=32 et j’ajoute (k4)2=(64)2=22=4.32(1125)+4=36000+4=36004Ce nombre est-il un carré ? Puisque 1892=35721 et 1902=36100 et que 35721<36004<36100, non, ce n’est pas un carré ! Ainsi, le nombre 1125 n’est pas un nombre hexagonal.

Référence :

NELSON, Roger B., Nuggets of Number Theory : A visual Approach, MAA Press 2010

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