Un Anneau pour les gouverner tous [1]
Les élèves de quatrième et cinquième secondaire ont régulièrement à trouver l’équation d’une fonction quadratique, que cela soit sous la forme générale,
Petit aparté : il y a souvent une confusion entre la fonction et ses représentations, en particulier sa représentation graphique. La représentation graphique d’une fonction quadratique est une parabole. Ainsi, « connaître le couple qui contient l’extrémum de la fonction et un autre couple appartenant à la fonction », revient à « connaître les coordonnées du sommet de la parabole qui représente la fonction quadratique dans le plan cartésien ainsi que les coordonnées d’un autre point sur cette parabole ». Un petit abus de langage plus tard et on laisse tomber « qui représente la fonction quadratique ». Un autre plus tard et on obtient : « le sommet de la fonction quadratique ». Vous m’excuserez si jamais je me rends coupable de tels abus de langage plus loin dans le texte.
Il existe aussi d’autres cas, dans lesquels on doit parfois résoudre des systèmes d’équations à deux inconnues. Par exemple, si on connaît deux couples possédant la même ordonnée et un autre couple appartenant à la fonction, on peut déduire l’abscisse
Tous ces cas sont couverts dans les manuels ou les ressources en ligne, par exemple ici.
Absent de cette liste est le cas où on connaît trois couples quelconques appartenant à la fonction : quelconque voulant dire ici qu’on ne connaît ni les zéros, ni l’ordonnée à l’origine, ni l’extrémum, etc. Dans ce cas, il faut résoudre un système d’équations à trois inconnues
Un exemple
Quelle est l’équation de la fonction quadratique possédant les couples suivants :
On remplace trois fois dans
Voilà donc pour la postérité ! L’utilisation des matrices, aux niveaux supérieurs, allège bien sûr la tâche et simplifie l’écriture, mais il n’en reste pas moins que l’exercice est un peu fastidieux.
La méthode
Pourtant, nul besoin de résoudre de tels systèmes à plusieurs inconnues. À la rigueur, nul besoin, même, des autres cas. En effet, il suffit simplement… d’écrire l’équation. Directement. Ah oui ?
Reprenons.
Quelle est l’équation de la fonction quadratique possédant les couples suivants :
Puisqu’il s’agit d’une fonction quadratique, son équation peut être exprimée avec un polynôme du deuxième degré. Celui-ci peut être le résultat d’un produit de deux facteurs du premier degré ou d’une somme de produits d’au plus deux facteurs du premier degré. Soit. On peut construire l’équation de la manière suivante. On cherchera trois termes.
D’ailleurs,
En général, pour la fonction quadratique …
Ainsi, si les couples
… et peu importe le degré
Sans surprise, la méthode s’applique sans grande modification aux fonctions polynomiales de degrés quelconques. Elle fonctionne aussi bien pour les fonctions affines que pour les fonction polynomiales de degrés supérieurs à deux.
Un exemple (bis) : une fonction cubique
Quelle est l’équation de la fonction cubique possédant les couples
Un petit instant de réflexion nous permet d’écrire directement
Génial non ?
À l’instar de ce qu’on a fait plus tôt avec la fonction quadratique, on trouve l’équation d’une fonction cubique possédant les couples
La fonction affine
En utilisant la même méthode, on peut trouver l’équation de la fonction affine possédant les couples
Enfin… toutes !
Waring, Euler et Lagrange [2]
Il est possible de généraliser davantage. On considère une fonction polynomiale de degré
Un petit problème
En terminant, pour s’amuser un peu, tout cette discussion m’a fait pensé à ce petit problème de Jean-Paul Delahaye, paru dans le magazine Accromath, Volume 13.2 – été-automne 2018 [3].
Considérons l’équation suivante :
Le membre de gauche est une somme de termes qui sont eux-mêmes des produits de deux facteurs du premier degré. Si on développe, on devrait obtenir un trinôme du deuxième degré. Cette équation ne devrait avoir au maximum que deux solutions. Pourtant, lorsque
Annexe
Autre petit aparté : l’étude des fonctions, en particulier des fonctions quadratiques, n’est pas toujours facile pour les élèves. Certains se sentent rassurés lorsqu’ils utilisent des méthodes familières, à la rigueur routinières. D’autres préfèrent utiliser des formules.
Exemple typique :
Tracer la parabole d’équation
Comme la forme de l’équation ne correspond à aucune des trois mentionnées ci-dessus, l’approche privilégiée dans les manuels serait de transformer l’équation en l’une des trois formes, de préférence la forme canonique, pour tracer la parabole. On peut y arriver en effectuant quelques étapes algébriques. D’abord,
Le sommet de la parabole est donc en
Alternative : Nul besoin de compléter le carré ! [4] Clairement, on voit en examinant l’équation sous cette forme
[1] https://commons.wikimedia.org/wiki/File:One_Ring_Blender_Render.png
[2] https://commons.wikimedia.org/wiki/File:%D0%9B%D0%B0%D0%B3%D1%80%D0%B0%D0%BD%D0%B6.jpg
[3] Vous pouvez trouver l’original ici : https://accromath.uqam.ca/wp-content/uploads/2018/09/Paradoxes_13_2.pdf
[4] La complétion du carré en fait trembler plusieurs. Il est pourtant essentiel qu’ils la maîtrisent pour la suite. Le but n’est pas d’éviter à tout prix la complétion du carré, mais d’encourager la compréhension de ce qu’implique l’équation, peu importe la forme.